La septième fonction du langage,

La septième fonction du langage,

 

 

La septième fonction du langage, de Laurent Binet, est un roman qui a reçu le prix Interallié en 2015. Ce roman policier très original suppose au départ que le philosophe Roland Barthes n’est pas mort d’un accident en 1980 mais a été assassiné. Un assistant d’université en sémiologie et un commissaire de police sont chargés de retrouver les assassins et surtout un document volé décrivant la septième fonction du langage, les six autres étant déjà exprimées par Barthes et citées dans le roman.

La septième fonction du langage donne une description hilarante de la vie des intellectuels des années 80 : Barthes, Foucault, Sollers, Althusser, Attali, Deleuze, Lacan, Derrida, Kristeva, BHL… Laurent Fabius est « un jeune dégarni » Jack Lang un « jeune homme bouclé à tête de bouc ». Un repas entre Mitterrand, Fabius, Lang, Barthes est l’occasion de citer ce dernier : « l’avenir du concombre n’est pas son entassement ou son épaississement, mais sa division », et « La baguette, pour diviser, sépare, écarte, chipote au lieu de couper et d’agripper à la façon de nos couverts… »1. De même, « les ravages de la tautologie » avec « l‘équation inutile A = A », que Mitterrand confirme en disant : « la Pologne est la Pologne, la France est la France ». Le détachement du contexte de ces phrases crée un effet de surprise total. Ce genre de dérision se répète tout au long du roman.

Ce qui est étonnant, c’est que les caractères de ces personnages correspondent très bien à l’idée que l’on s’en fait, et que l’ambiance générale de l’époque est bien reconstituée (université de Vincennes, Brigades rouges, idéologies d’extrême gauche, attentats, …) L’humour est permanent, décapant : les deux personnages principaux, un assistant spécialisé en sémiologie et un commissaire de police, sont typiques de l’état d’esprit de l’époque post 68 : le premier voit le fascisme partout, le second ne comprend rien aux nouvelles théories d’extrême gauche, mais leur collaboration forcée évolue peu à peu vers une forme d’amitié.

Ce mélange d’humour, de dérision et de sérieux met parfois le lecteur dans une situation étrange. Il apprend ce qu’est la sémiologie (la langue des signes), les six fonctions du langage, mais ne distingue pas toujours le discours sérieux de la dérision.

Ce roman est une belle réussite littéraire. Il est étonnant que son auteur, né en 1972 et trop jeune pour avoir connu mai 1968, ait su reconstituer aussi bien les discours de l’époque, pris au sérieux sur le moment, mais paraissant délirants maintenant. Il est étonnant aussi qu’il se soit engagé politiquement auprès de Jean-Luc Mélenchon, et qu’il ne se rende pas compte de l’absurdité des discours de ce dernier. Peut-être changera-t-il d’avis dans vingt ans, comme ces intellectuels qui ont défendu Staline, Mao, Castro, … ?

1 L'Empire des signes, 1970




0 commentaire(s)


Vous souhaitez commenter ?

Votre adresse électronique ne sera pas publiée. Les champs requis sont marqués d'une *