L’affrontement Islam-Occident: un combat inégal ?

L’affrontement Islam-Occident: un combat inégal ?


 


Par Claude Sicard

 

L’islam et l’Occident se trouvent engagés dans ce que Fénelon appelait « un combat à forces inégales ». Avec le pogrom qui s’est produit le 7 octobre dans l’État d’Israël où le Hamas a massacré dans les conditions les plus sauvages qu’on puisse imaginer un très grand nombre de personnes, y compris des femmes et des enfants, au seul motif qu’ils étaient juifs, on a vu le monde se diviser en deux camps : d’un côté les pays occidentaux, de l’autre les pays musulmans. Les premiers, horrifiés, ont condamné unanimement, sans appel, de tels actes, considérant qu’ils constituent des crimes contre l’humanité ; les autres les ont justifiés au prétexte qu’ils émanent de personnes qui ont besoin de lutter pour leur indépendance, et c’est ainsi que le leader du monde musulman , le président turc Recep Erdogan, a déclaré : « Ce sont des libérateurs qui se battent pour protéger leur terre ». Il y eut en Israël 1.200 personnes tuées ou mutilées et 240 emmenées comme otages : « Une sauvagerie jamais vue depuis la Shoah » a dit le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Instinctivement, le monde occidental s’est solidarisé avec l’ État d’Israël qui est un de ses membres, et le monde de l’islam avec les Palestiniens qui sont des musulmans, adeptes donc du Prophète Mahomet qui eut, lui-même, et c’est dans la mémoire des musulmans, maille à partir avec les juifs lorsqu’il créa la première communauté musulmane à Yathrib (Médine), en l’an 622 de notre ère.

Une fois de plus on voit donc s’opposer deux mondes, avec d’un coté les musulmans qui sont unis par le lien de la « Oumma » ( l’union de tous les musulmans par-dessus les frontières, établie par le Coran), et, de l’autre, les pays relevant de la même civilisation, une civilisation fondée sur le judéo- christianisme, mais dont les membres devenus, majoritairement, athées ou agnostiques ont conservé les valeurs.

Il faut donc voir ce que cette opposition entre les deux mondes nous réserve. Elle nous avait été annoncée, on s’en souvient, par Samuel Huntington, professeur à Harvard, qui avait publié en 1993, dans « Foreign Affairs », un important article intitulé « The clash of civilizations and the remaking of world order »,un article dont il fit ensuite un ouvrage. Huntington avait été très critiqué : il nous disait que les conflits seront, à l’avenir, de plus en plus d’origine culturelle, et il annonçait que la civilisation islamique deviendrait « la plus grande menace pour le monde occidental ». Il était en avance sur son temps.

Les mondes de la chrétienté et de l’islam, on l’oublie trop souvent, se sont opposés dès l’apparition de l’islam, au VIIè siècle de notre ère, à la fois pour des raisons doctrinales et pour des possessions de territoires. Les cavaliers d’Allah très vite sont allés conquérir une grande partie de l’Empire romain qui était chrétien, et, depuis, les luttes pour des territoires n’ont pas cessé. Comme on le sait, l’islam raisonne en termes de « maison de l’islam » (dar al islam) et « maison de la guerre » (dar al harb) et il s’agit pour les musulmans d’agrandir la maison de l’islam, ce qu’ils font en permanence. En matière de civilisation, il y eut également conflit : pendant quelques siècles ce fut avec le foyer de Cordoue la civilisation musulmane qui domina ; ensuite, et jusqu'à nos jours, ce fut l’inverse, le tournant étant marqué par la victoire de Lepante où la flotte de la Sainte Ligue triompha de la flotte turque, en 1571. Cette domination des occidentaux se traduisit, au XIXe siècle, par leur installation dans bon nombre de pays musulmans : les Français dans les trois pays du Maghreb, les Anglais en Égypte et au Moyen -Orient, les Hollandais en Indonésie, les Italiens en Tripolitaine, etc…Au siècle suivant, tous les pays qui avaient été colonisés se sont dégagés, par des luttes parfois violentes, de la tutelle des pays occidentaux qui avaient voulu les dominer, le dernier épisode étant la guerre d’Algérie.

Ce qui s’est passé, c’est que l’islam, après s’être assoupi pendant des siècles, s’est réveillé : c ‘est un instituteur égyptien, très religieux, Hassan el Bana, qui le réveilla en créant en 1928 la Confrérie des Frères Musulmans, avec pour devise : « Le Prophète est notre chef, le coran notre constitution, le djihad notre voie, la mort sur la voie d’Allah notre plus cher espoir ». Il engagea ses coreligionnaires à s’appuyer sur l’islam pour lutter contre les pays occidentaux qui les dominaient.

La confrérie des Frères musulmans, à la pointe du combat :

Il faut s’attarder sur cette confrérie car elle a été créée par son fondateur, précisément, « pour lutter contre l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle occidental ». Et le Hamas qui a commis le pogrom du 7 octobre en Israël est bien une branche des Frères Musulmans. Ce fut le début des luttes menées par les pays musulmans pour s’extraire de la tutelle des pays occidentaux. En Algérie, par exemple, le cheikh Abdelhamid ben Badis créa, en 1936, l’Association des Oulémas algériens, avec pour slogan « l’Algérie est mon pays, l’islam ma religion, et l’arabe ma langue » : ce fut, dans ce pays, le début de la lutte pour l’indépendance. Les Frères musulmans qui sont une confrérie secrète constituent la plus puissante et la plus influente organisation islamique du monde arabe. Hassan el Bana a associé islam et politique et il a prêché l’avènement d’une « civilisation islamique mondiale » : il a diffusé l’idée que les puissances occidentales sont composées de Kouffars, c'est-à-dire de « mécréants » contre lesquels le djihad est un devoir sacré. Sayyid Qutb, le théoricien du mouvement, a été un des penseurs musulmans les plus influents du XXe siècle. Il avait été envoyé aux États-Unis par son administration et il en revint édifié par ce qu’il avait vu. Dans son ouvrage « Jalons sur le chemin de l’islam » (Cf. Imp. Carthage 2001) paru en 1964 il dépeint la civilisation occidentale sous un jour diabolique, n’ayant pas de mot assez fort pour la dénigrer. Il dit, par exemple : « Ce capitalisme d’accumulation, de monopoles, d’intérêts usuriers, tout d’avidité » ; il s’insurge contre notre individualisme et il dénonce notre matérialisme, écrivant : « Cette vue matérialiste minable, desséchée de la vie ». Et, pour ce qui est de nos rapports sociaux, il n’est guère plus tendre : « Cette liberté bestiale qu’on nomme la mixité ! Ce marché d’esclaves nommé émancipation de la femme, ces ruses d’un système de mariages et de divorces contraires à la vie naturelle ». Et il concluait ce sombre tableau en vantant les mérites de la civilisation musulmane, disant : « En comparaison, quelle raison, quelle hauteur de vue, quelle humanité en islam ! ». Aussi, ne cessa t-il pas de militer pour dissuader ses coreligionnaires d’adhérer à notre monde, qualifiant notre civilisation de « primitive » (jahiliyya) .

Le réseau des Frères Musulmans s’est internationalisé, et ce que l’on constate c’est que l’islam et la civilisation islamique pénètrent maintenant de plus en plus nos sociétés. Aussi, le dernier ouvrage de l’anthropologue Florence Bergeaud Blackler intitulé « Le Frérisme et ses réseaux »(Odile Jacob,2023) est-il essentiel. Il nous dévoile le travail souterrain qui est fait en Europe par les réseaux des Frères Musulmans. On peut lire en quatrième de couverture : « Le propos ne vise ni une religion ni une communauté de croyants, mais décrit un mouvement qui cherche à se servir d’eux pour imposer une stratégie d’islamisation des pays non musulmans dans toutes sortes de domaines, de l’économie à l’écologie, de l’école à l’université ». L’objectif des Frères Musulmans est clair : soumettre l’Occident à la civilisation islamique. Sayyid Qutb disait à ses disciples « Être musulman, c’est être un guerrier » (mujahid), et il proclamait que « l’islam est victorieux par origine, à tout jamais ». Olivier Carré, dans « Le coran des islamistes » (Cerf,1984) nous dit : « C’est un combat    spirituel et militaire,  un combat révolutionnaire mondial ».

Un Occident désarmé constitué d’une succession de démocraties libérales

Face à ce monde islamique assoiffé de revanche, vindicatif et conquérant, on trouve un monde occidental atone constitué de démocraties libérales, un monde inconscient des menaces qui le guettent, dont l’ambition n’est autre que d’œuvrer pour la paix dans le monde. C’est, là, le projet mobilisateur que les pays occidentaux proposent à leur jeunesse. La solution pour y parvenir : l’extension à l’infini du système démocratique, l’hypothèse faite étant que la paix dans le monde sera assurée lorsque les pays seront tous démocratiques. Pour y parvenir, il faut que les pays du « Sud Global » puissent augmenter leur niveau de vie, car c’est par cette voie qu’ils accéderont à la démocratie, ceci grâce au développement de l’instruction. Le monde, donc, après la fin de la seconde guerre mondiale, s’est organisé selon ces concepts : on a créé la Banque Mondiale pour aider les pays du Tiers-monde à se développer, les pays de l’OCDE se sont engagés devant l’ONU à fournir chaque année une aide financière substantielle aux pays sous-développés (APD), et on s’est organisé pour que les hommes, les marchandises, et les capitaux circulent librement dans le monde (OMC).

La religion des droits de l’homme ;

Les pays occidentaux en sont venus a considérer que l’Église était une survivance du passé et ils ont adopté une nouvelle religion :la religion des droits de l’homme. L’Europe, ainsi, s’est dotée en 1950 de la « Convention Européenne des droits de l’homme et des libertés » avec un organe de contrôle et une Cour de justice qui officient à Strasbourg, et les pays américains, de leur côté, sont régis par la « Convention américaine des droits de l’ homme », adoptée à San José » (Costa Rica) le 27 novembre 1969 . Avec ces conventions, l’idéologie des droits de l’ homme modèle les sociétés occidentales, et au titre de cette idéologie l’islam et les musulmans ont le droit de s’installer et de développer leur idéologie en Europe, comme ils le souhaitent. Ainsi, a-t-on vu la recommandation 1162, du Conseil de l’ Europe, datant de 1991, louer la contribution de la civilisation musulmane à la culture européenne, et la résolution 1743, du même organisme, proclamer en 2010 que « les musulmans sont chez eux en Europe ».

Jean Louis Harouel , professeur émérite de droit, dans son remarquable ouvrage «Les droits de l’homme contre le peuple » (Desclée de Brower, 2016) montre comment les dispositions prises par les gouvernements des pays occidentaux, en application de ces nouvelles chartes, annihilent toute possibilité de se défendre contre les initiatives de toutes sortes prises par les militants musulmans pour étendre le règne de l’islam dans nos pays. Il reproche aux chartes des droits de l’homme de faire disparaître le caractère souverain des peuples qui est le fondement même des démocraties. Et, dans un article sur Figaro-Vox en date du 14 juin 2016, il nous dit de l’islam: « C’est une civilisation antagoniste de la civilisation européenne qui poursuit son entreprise de conquête et de domination. En Europe occidentale, l’islam a profité à plein des droits de l’homme : c’est sur eux que se fondent toutes leurs revendications, lesquelles relèvent, en réalité, d’une prise de pouvoir politique, d’une appropriation de territoire, de domination de divers secteurs de la société ».

Les pays occidentaux se trouvent donc désarmés par des législations qui mettent en œuvre l’idéologie des droits de l’homme . C’est pourquoi l’économiste Gérard Maarek nous dit, dans les Échos du 23 septembre 2018 : « Les démocraties libérales portent en elles mêmes le germe de leur décomposition ». Le très grand historien anglais des civilisations, Arnold Toynbee, mort en 1975, qui avait consacré sa carrière à l’étude des civilisations pour comprendre comment elles naissent, se développent, et meurent, avait conclu son monumental ouvrage en 10 tomes, (A Study of History, Oxford University Press, 1948-2001) en disant : « Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident ».

Claude Sicard, auteur de « Le face à face islam-Occident : quel destin pour l’Europe ? » et «L’islam au risque de la démocratie » (Ed.François Xavier de Guibert)

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