Le Conseil de l’Europe et l’islam : la France doit-elle s’incliner ?

Le Conseil de l’Europe émet des directives à usage des pays membres, auxquelles les États sont tenus de se soumettre. Celles qui concernent l’attitude à adopter à l’égard de l’islam et des communautés musulmanes en Europe sont infondées. Les prémisses des analyses qui les sous-tendent sont, en effet, totalement erronées, ce qui ôte toute légitimité au Conseil de l’Europe pour nous dicter la conduite à tenir en matière de politique intérieure. Au moment où notre Président entreprend des réformes importantes, on doit s’interroger sur une éventuelle sortie du Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe est un organe intergouvernemental créé le 5 mai 1949 par le traité de Londres. Il regroupe 47 pays, et il est constitué d’une Assemblée parlementaire et d’un Comité des ministres. Sa mission est de « favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun ». Il a été complété par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), traité international signé à Rome le 4 novembre 1950, avec mission de veiller à la bonne application de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations unies du 10 décembre 1948. Enfin fut créée en 1959 la Cour européenne des droits de l’homme, pour recevoir et juger les plaintes formulées par des victimes d’une atteinte aux droits de l’homme en Europe. La France a quelque peu traîné les pieds pour adhérer à cette Convention, et ne l’a fait que le 3 mai 1974 ; et ce n’est que depuis 1981 que ses ressortissants sont habilités à saisir la Cour européenne, qui est installée à Strasbourg. On nous parle peu de ces institutions juxtaposées à l’Union européenne. Pourtant, la Convention européenne des droits de l’homme joue un rôle capital dans notre mode d’organisation de la société : elle nous interdit de mener envers les communautés musulmanes installées dans notre pays la politique d’assimilation qui est traditionnellement celle de la République française, une république « une et indivisible ». Nous n’avons plus le droit de pratiquer une politique d’assimilation : il faut s’en tenir à une simple politique d’intégration. Cette tutelle pose problème au moment où la multiplication des attentats islamiques semble montrer que l’assimilation est une politique préférable à l’intégration. Le professeur émérite Jean Louis Harouel, dans son excellent ouvrage « Les droits de l’homme contre le peuple », paru en 2016, nous met en garde contre la manière dont les musulmans utilisent à notre détriment la Convention des droits de l’Homme pour nous désarmer contre leur projet de conquête du monde. Il cite, par exemple, les propos du cheikh Yousouf al Qaradawi, un membre important de l’UOIE (Union des organisations islamiques en Europe), qui a déclaré : « Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons ». L’islam, il faut en être conscient, se sert habilement des droits de l’homme pour s’implanter en Europe Le Conseil de l’Europe et sa conception de la société européenne : Le Conseil de l’Europe émet des directives, et il est intéressant de voir dans quel sens il agit face aux problèmes que pose l’islam à nos sociétés. Sa position de principe est claire : l’arrivée d’immigrants, même en nombre important, est positive pour l’Europe. La recommandation 1500 dit : « L’Assemblée estime que la présence d’immigrants et de résidents étrangers est un facteur à la fois enrichissant et positif pour nos sociétés ». Il convient donc d’ouvrir largement nos portes à l’immigration. Et plusieurs recommandations disent aux gouvernements des pays membres que nous devons respecter la culture et la religion des immigrés installés en Europe. Il faut que ces nouveaux arrivants se sentent à l’aise dans nos sociétés. Concernant l’islam, la résolution 1743, datant de 2010, n’hésite pas à proclamer, dans son article 11, « l’islam est une religion qui prône la paix ». Et on lit, à l’article 3 : « Les musulmans sont chez eux en Europe ». La première affirmation est fausse. En effet, de nombreux versets du Coran incitent les fidèles à combattre les incroyants : il s’agit, en effet, que le règne d’Allah s’étende à toute la terre. On a, par exemple, les versets suivants, qui prônent le combat : « Tuez les polythéistes partout où vous les trouvez » (9,25), et, aussi : « Ô Prophète, incite les croyants à combattre : vingt braves d’entre eux terrasseront 200 infidèles » (8,65) ». Et pour ceux qui pourraient manifester quelques états d’âme pour agir, un verset leur dit : « Ce n’est pas vous qui les avez tués, c’est Dieu » (8,17). Pour ce qui est de la seconde affirmation, elle s’en réfère à l’occupation de l’Espagne andalouse par les musulmans au VIII° siècle, ainsi qu’à l’invasion par les Turcs de Europe orientale (Soliman le Magnifique parvint jusqu’à Vienne qu’il assiégea sans succès en 1529). On sait qu’il fallut aux Européens des siècles de combats pour reconduire chez eux ces envahisseurs. Déjà, en 1991, par sa résolution 1162, le Conseil de l’Europe avait loué « la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne ». Ainsi, les musulmans qui, selon lui, sont ici chez eux se trouvent-ils autorisés à manifester dans la rue leurs convictions, la seule restriction valable étant une atteinte à la sécurité publique. La Déclaration des droits de l’Homme de l’ONU stipule, en effet, en son article 18, que « toute personne a droit de liberté de pensée, de religion. Ce droit implique, pour une personne, la liberté de manifester sa religion, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Cette position islamophile du Conseil de l’Europe s’est manifestée par sa demande faite à la France de ne pas interdire le port du voile intégral : le vote à l’Assemblée, sur cette disposition française, eut lieu le 23 juin 2010. De la même manière, le Conseil de l’Europe a demandé à la Suisse d’annuler le vote populaire d’interdiction de la construction de minarets. Des incohérences graves dans les positions du Conseil de l’Europe Les positions du Conseil de l’Europe à l’égard de l’islam sont, nous allons le voir, incohérentes. D’un coté le Conseil de l’Europe proclame que l’islam est une religion de paix : il nous faut donc respecter la culture et les valeurs des populations immigrées musulmanes. De l’autre, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’il y a incompatibilité entre la charia et les droits de l’homme tels qu’énoncés dans la déclaration de l’ONU de 1948. Cette déclaration de la Cour européenne (arrêt du 31/07/2001) a été faite à propos de l’interdiction en Turquie d’un parti, le Refah Partisi, qui exaltait les valeurs de la charia, qui est, rappelons-le, « le chemin pour respecter la loi de Dieu », laquelle est consignée dans le droit musulman (fiqh). Celui-ci se fonde sur deux sources distinctes : d’une part les prescriptions du Coran, qui est, pour les musulmans, parole de Dieu, et, de l’autre, la « sunna », c’est-à-dire les hadiths qui sont les paroles et les actes du Prophète Mahomet, rapportés par ses compagnons. Donc, respecter les valeurs et les croyances des populations musulmanes installées en Europe, comme l’exige continuellement le Conseil de l’Europe, ne peut se faire que si elles consentent à s’écarter de la charia. Il eût fallu le leur dire avant. Maintenant qu’elles y sont installées, elles doivent, selon la logique du Conseil de l’Europe, pour bénéficier du bon climat d’accueil des pays hôtes, souscrire à un islam réformé. Donc renoncer à une lecture littérale du Coran, qui est celle des musulmans pieux. Les musulmans installés en Europe, s’ils veulent y demeurer, devraient donc renoncer à l’islam classique pour adopter un islam réformé. Avec cet islam réformé, conforme à nos valeurs et compatible avec notre mode de vie, on n’aurait plus à subir les revendications auxquelles nos sociétés sont aujourd’hui exposées : viande halal dans les cantines scolaires, non mixité hommes-femmes dans les piscines, dispenses de travail pour respecter le ramadan, prières dans les rues, refus pour les femmes d’être soignées par des médecins masculins, etc. Il y eut même, à la RATP, le refus de conducteurs musulmans de conduire un autobus précédemment aux mains d’une conductrice. A aucun moment le Conseil de l’Europe n’a dit aux musulmans européens qu’ils devaient obligatoirement adopter un islam réformé. S’ils veulent rester fidèles au véritable message du Coran, il faut donc qu’ils aillent s’installer dans des pays où s’applique la loi de l’islam. Quelles perspectives réalistes pour un islam réformé ? Il existe trois voies différentes pour réformer l’islam : >  Considérer que le Coran a été créé, et non pas « révélé » ; >  Contextualiser le message délivré à Mahomet ; >  Ne retenir du Coran que la période de la Mecque. Chacune de ces voies a ses adeptes, mais aucun réformateur ne peut vivre en pays musulman car sa vie serait menacée par des extrémistes qui feraient de lui un apostat. Dans la première voie on trouve des réformateurs comme Mohamed Abdû, considéré comme le père du réformisme, et Abdelwahab Meddeb. Dans la seconde, Mohammed Arkoun, un Kabyle qui a été professeur à la Sorbonne, et Galeb Bencheikh qui anime sur France 2 l’émission hebdomadaire sur l’islam. Et, enfin, dans la troisième, des intellectuels tel Malek Chebel, auteur de nombreux ouvrages, ou Abdenour Bidar qui enseigne la philosophie à Nice, dont l’un des ouvrages est « Self islam ». En France, notre ministère de l’Intérieur et des Cultes, s’efforce depuis des années à des initiatives pour que l’on n’ait plus affaire à un islam en France, mais bien à un « islam de France ». Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, avait créé le Conseil français du culte musulman (CFCM), projet initié par l’un de ses prédécesseurs, Jean-Pierre Chevènement. Ainsi, en juin 2014, le CFCM a-t-il pris l’initiative d’adresser à tous les imams de France un document très important, intitulé « La Convention citoyenne des musulmans de France », qui prône pour les musulmans de France un islam rénové. Le CFCM se fait ainsi la cheville ouvrière d’une véritable réforme de l’islam en France, en adoptant la voie de la contextualisation du Coran. C’est une initiative capitale dont l’importance pour l’avenir semble avoir échappé, malheureusement, à nos médias. Il conviendrait de soutenir le plus possible cette démarche courageuse du CFCM. Évidemment, le CFCM s’est fait critiquer par nombre de musulmans rigoristes qui lui dénient toute vocation à agir dans le domaine religieux : l’islam ne dispose malheureusement pas d’une structure hiérarchique, comme c’est le cas du catholicisme romain : même l’université d’al Azhar, au Caire, n’a pas autorité pour tracer la voie de ce qui pourrait être une modernisation de la parole de Dieu délivrée au Prophète. Quelle tâche urgente pour le Conseil de l’Europe ? Malgré cette difficulté majeure, il nous paraît que le Conseil de l’Europe devrait s’intéresser sans plus attendre à la nécessaire émergence d’un « islam européen », comme il existe en Asie un « islam indonésien ». L’islam indonésien - on ne le dit jamais - est un islam réformé, particulièrement tolérant, car intégrant un fonds culturel bouddhique. Cet islam, on le voit en Indonésie, est compatible avec la démocratie. Faut-il faire naître dans chaque pays européen, un islam de France, un islam d’Allemagne, un islam d’Italie ? Le problème doit être pris, de toute évidence, au niveau européen, et le rôle de chef d’orchestre en revient, semble-t-il, au Conseil de l’Europe. Pour l’heure, les prémisses affichées par le Conseil de l’Europe pour fonder ses recommandations sur l’attitude à adopter vis-à-vis des musulmans implantés en Europe sont fausses : l’islam n’est pas une religion de paix, et les musulmans ne sont pas « chez eux » en Europe. Ce furent des envahisseurs voulant étendre le règne d’Allah sur le continent qui est le nôtre, au titre des injonctions du Coran. La chrétienté les en chassa, par les Croisades, puis par la « Reconquista » de l’Espagne, puis, ensuite, par des coalitions lancées par plusieurs papes pour résister aux Ottomans en Europe orientale. Le Conseil de l’Europe a donc perdu toute légitimité pour dicter aux nations la conduite à tenir vis-à-vis des communautés musulmanes qui sont venues depuis la fin de la période coloniale s’installer dans les pays européens, des pays dont la civilisation a pour fondement le judéo-christianisme. Il devrait sérieusement s’atteler à faire naître en Europe un islam rénové, cet islam idéal que l’islamologue Malek Chebel, décédé récemment, avait appelé de ses vœux en le qualifiant d’« islam des Lumières ». En attendant que cela soit fait, la France aurait sans doute intérêt à se mettre en congé du Conseil de l’Europe afin de pouvoir continuer à mener comme elle l’entend sa politique d’assimilation, une politique qui a toujours été la sienne. Le communautarisme n’est pas dans sa tradition. Claude Sicard Auteur de “Le face à face islam chrétienté : quel destin pour l’Europe ?”, et “L’islam au risque de la démocratie” (Ed. F.X de Guibert).



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