Le marché libre expliqué : Bastiat, Hayek et Friedman

Le marché libre expliqué : Bastiat, Hayek et Friedman

Le marché libre expliqué : Bastiat, Hayek et Friedman Une société harmonieuse peut-elle se passer de lois écrites, de règles, de mesures répressives ? Si on laisse libres les hommes, ne va-t-on pas assister au désordre, à l’anarchie, à la désorganisation ? Comment éviter une pure juxtaposition d’individus agissant en dehors de tout concert, si ce n’est par des lois et une organisation politique centralisée ? Tel est l’argument souvent invoqué par ceux qui réclament une régulation du marché ou de la société, seule capable de coordonner les individus dans un ensemble cohérent et harmonieux. Tel n’est pas le point de vue de Frédéric Bastiat. Selon lui, le mécanisme social, comme le mécanisme céleste, ou le mécanisme du corps humain, obéit à des lois générales. Autrement dit, il s’agit d’un ensemble déjà harmonieusement organisé. Et le moteur de cette organisation, c’est le marché libre. Dans le premier chapitre de ses Harmonies Economiques (Organisation naturelle, organisation artificielle), Bastiat décrit le marché comme un outil de coopération décentralisé et invisible. Par le système des prix, il transmet des informations sur les besoins et les compétences de chacun, il met en relation les hommes qui veulent coopérer en vue d’améliorer leur existence. Le miracle du marché libre, nous dit Bastiat, c’est qu’il utilise des connaissances qu’aucune personne ne peut posséder à lui tout seul et qu’il procure des satisfactions bien supérieures à tout ce qu’une organisation artificielle pourrait faire. Ceci a été notamment expliqué par Friedrich Hayek un siècle plus tard. Dans La route de la servitude (1944), Hayek explique : « C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui, dans le passé, a rendu possible le développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par cette soumission que nous participons quotidiennement à construire quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement. » En 1958, l’écrivain américain Leonard Read (créateur de la Foundation for Economic Education) publiait dans la revue The Freeman un petit essai, écrit à la manière de Bastiat, devenu très célèbre : I, pencil, (Moi, le crayon). Ce texte est une métaphore de ce qu’est un marché libre. Il commence ainsi : « Je suis un crayon à mine, un crayon ordinaire en bois, familier à tous les garçons et les filles et les adultes qui savent lire et écrire. Il est l’un des objets les plus simples dans la civilisation humaine. Et pourtant pas une seule personne sur cette terre ne sait comment me produire. » Dans ce petit texte, il reprend cette idée de Bastiat d’une coopération invisible entre des millions d’individus qui ne se connaissent pas pour aboutir à la construction d’un objet aussi banal qu’un crayon. « Moi, le crayon, je suis une combinaison de miracles : un arbre, du zinc, du cuivre, du graphite, etc. Mais, à ces miracles qui existent dans la Nature, s’ajoute un miracle encore plus extraordinaire : la configuration des énergies créatrices humaines — des millions de tout petits savoir-faire se réunissant naturellement et spontanément en réponse à la nécessité et au désir humains et en l’absence de tout esprit organisateur ! » Personne ne sait faire, seul, un crayon. Mais des millions d’êtres humains participent sans le savoir à la création de ce simple crayon, échangent et coordonnent leur savoir et leur savoir-faire dans le cadre d’un système de prix sans qu’aucune autorité supérieure ne dicte leur conduite. « Chacun parmi ces millions voit qu’il peut ainsi échanger son petit savoir-faire contre des biens et des services qu’il désire ou dont il a besoin. » Cette histoire montre que des hommes libres travaillant dans la poursuite de leur légitime intérêt agissent davantage pour le bénéfice de la société que n’importe quelle stratégie économique planifiée et centralisée. « Il y a quelque chose d’encore plus étonnant : c’est l’absence d’un esprit supérieur, de quelqu’un qui dicte ou dirige énergiquement les innombrables actions qui conduisent à mon existence. On ne peut pas trouver trace d’une telle personne. A la place, nous trouvons le travail de la Main Invisible. » L’expression « main invisible » est associée à La Richesse des Nations (1776), célèbre livre d’Adam Smith. Selon lui, l’entrepreneur qui cherche à faire du profit est conduit à rendre service à des gens bien plus nombreux que s’il avait pour but d’en rendre aux seuls gens connus de lui. Il produit des biens de plus en plus utiles et abordables par la division du travail et la concurrence. Le message de Smith est que la volonté de chacun d’améliorer son sort est un élément central du développement économique, qui profite à tous. Et Leonard Read de conclure : « La leçon que je veux enseigner est la suivante : laissez libres toutes les énergies créatrices. Organisez juste la société pour qu’elle agisse en harmonie avec cette leçon. Que l’appareil légal de la société élimine tous les obstacles du mieux qu’il le peut. Permettez à tous ces savoirs créateurs de se répandre librement. Ayez foi dans les hommes et les femmes libres qui répondent à la main invisible. » Le lauréat Nobel d’économie de 1976, Milton Friedman, a également repris cette histoire du crayon pour expliquer au grand public le fonctionnement de l’économie de marché. Dans un épisode de sa série télévisée Free to Choose, il analyse les différents com¬po¬sants d’un objet aussi banal et simple qu’un crayon et il met en lumière le miracle de l’ordre spontané, généré par des milliers d’interactions économiques à travers le monde. Des personnes qui ne se connaissent pas, qui n’ont pas la même religion ni les mêmes coutumes, réussissent pourtant à se coordonner pour produire cet objet. Il conclut sur le fait que le libre marché est essentiel pour garantir non seulement la prospérité mais aussi l’harmonie et la paix. Voici ce que dit Friedman : « Le bois dont ce crayon est fait vient peut être d’un arbre coupé dans l’état de Washington. Pour couper cet arbre, il a fallu une scie. Pour faire la scie, il a fallu de l’acier. Pour faire de l’acier, il a fallu du minerai de fer. Le centre noir, […], la graphite, je pense qu’elle vient de mines en Amérique du Sud. La gomme, un bout de caoutchouc, vient probablement de Malaisie, d’où les arbres à caoutchouc ne sont même pas originaires. Ils y ont été importés d’Amérique du Sud par des hommes d’affaires, avec l’aide du gouvernement britannique. […] Il a fallu que littéralement des milliers de gens coopèrent pour fabriquer ce crayon. Des gens qui ne parlent pas la même langue, n’ont pas la même religion, qui se haïraient peut être s’ils se rencontraient. Quand vous allez au magasin et que vous achetez ce crayon, en pratique, vous échangez quelques minutes de vos temps contre quelques secondes du temps de ces milliers de gens. Qui est-ce qui a poussé tous ces gens à collaborer? Pas un commissaire envoyant des ordres d’un quelconque bureau central. C’est la magie du système des prix. C’est l’opération impersonnelle des prix qui les a rassemblés pour faire ce crayon et pour que vous puissiez l’avoir pour une somme modique. C’est pourquoi l’opération du marché libre est si essentielle – pas seulement pour promouvoir l’efficacité productive, mais encore plus, pour promouvoir l’harmonie et la paix entre les peuples du monde. » Friedrich Hayek, dans son essai « L’utilisation de la connaissance dans la société » en 1945, expliquait déjà pourquoi l’économie de marché et la décentralisation des décisions sont vitales pour la prospérité. Selon Hayek, aucun planificateur central ou bureaucrate ne pourrait jamais avoir une connaissance suffisante de la manière de guider avec succès l’ensemble des actions économiques. Seul le système des prix sur un marché libre permet à des millions d’acteurs indépendants de décider pour eux-mêmes comment répartir efficacement les ressources. La planification économique, qui prétend faire mieux que le marché, conduit non seulement à une mauvaise allocation des ressources, mais aussi à l’hégémonie d’une classe sur une autre. C’est pourquoi le socialisme est bien une erreur intellectuelle, mais une erreur qui finit par engendrer une immense injustice. Vidéos : Film d’animation sur « Moi le crayon » de Leonard Read http://www.youtube.com/watch?v=Tl6-oXep6jY Une vidéo sous-titrée par l’Institut Coppet. Un film réalisé par le Competitive Enterprise Institute adapté de l’article de Leonard E. Read en 1958, « I pencil ». La leçon du crayon par Milton Friedman http://www.youtube.com/watch?v=47lazI9h_SE Cette vidéo est un extrait d’une série télévisée, Free to Choose, diffusée en 1980 (dans une seconde version en 1990) et dans laquelle Milton Friedman, lauréat Nobel d’économie en 1976, reprend la métaphore du crayon pour expliquer la puissance du marché, comme meilleur régulateur de l’économie. Un livre portant le même titre que la série a été écrit par Milton et Rose Friedman et publié en 1980. Il a été traduit en français la même année sous le titre La liberté du choix, disponible sur le site de l’Institut Coppet. Article paru initialement sur http://nicomaque.com/



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