Le XXIème siècle sera t-il le siècle de l’Afrique ?

1Introduction : 1-1 Les références africaines du conférencier : Pour ceux qui ne me connaissent pas, je rappellerai que j’interviens comme consultant international sur l’Afrique, les migrations et plus récemment l’islamisme radical depuis 1987. Quand je parle de l’Afrique il s’agit essentiellement de l’Afrique subsaharienne francophone et accessoirement du Maroc. J’y interviens à deux niveaux. Il s’agit d’abord de former des experts africains dans les domaines de la formation, de l’éducation et de l’édition d’ouvrages pédagogiques (les petits Sénégalais apprennent à lire et à compter dans la collection Sidi et Rama que j’ai mise en place avec mes collègues de l’INEADE de Dakar). Mais aussi de faire un travail d’audit pour évaluer ce que les pays Africains ont fait des subventions accordées à titre bilatéral ou multilatéral par les bailleurs de fonds ce qui est plus acrobatique quand on se refuse aux compromissions et qui m’a valu d’être déclaré persona non grata au Bénin et ostracisé au Tchad. Aujourd’hui j’ai drastiquement limité mes interventions dans ces pays, d’une part parce que « place aux jeunes » et d’autre part parce que la montée de l’islamisme radical chez les jeunes cadres africains que j’ai directement vécue et sur laquelle j’ai alerté sans succès mes commanditaires entre 2011 et 2013 rend les relations beaucoup plus tendues. Aussi dans le cadre du Partenariat Eurafricain, je me consacre à travailler maintenant avec les diasporas maghrébines et africaines en France et j’ai notamment assuré pour l’association Solidarité Internationale la coordination scientifique de l’exposition sur « La Caravane de la Mémoire » qui tourne en France et à l’étranger depuis 2015 et de l’ouvrage qui sort en septembre chez SPM sur les forces noires africaines avant, pendant et après la Grande Guerre. 1-2 Les ouvrages du conférencier : Pour en témoigner, je citerai trois ouvrages La France en Afrique chez Acropole qui en est à sa 4e édition et qui balaie toute l’histoire de la présence française en Afrique noire du XVIe siècle jusqu’à nos jours, L’islamo-business vivier du terrorisme paru en 2016 chez Pierre-Guillaume de Roux qui fait un état des lieux quantitatif et qualitatif de l’islamisme radical dans chacun des pays du monde et notamment en France et le tout dernier La Méditerranée conquête puissance déclin sorti en avril 2018 chez Desclée de Brouwer qui s’efforce de reconstituer en un peu plus de 300 pages, 3000 ans de rêves méditerranéens depuis Ulysse jusqu’à Daech. 1-3 Une production inclassable ciblée sur un objectif : faire ce que personne ne fait Ma production littéraire et artistique ne se limite pas à ce domaine. J’en suis à mon 72e ouvrage dont le seul point commun est de faire ce que personne n’a fait ou n’ose faire. De haut en bas et de gauche à droite on peut apercevoir les Migration pour les Nuls ouvrage paru dans la célèbre collection en septembre 2014 et qui dès le jour de sa sortie a été victime d’une campagne de diffamation organisée par une journaliste militante de l’AFP dont le communiqué a été reproduit in extenso par 51 journaux de la presse écrite, audiovisuelle et du net dont aucun n’avait ouvert l’ouvrage. Avec mon avocat j’ai engagé une procédure judiciaire qui a été peu couronnée de succès puisque nous avons découvert que l’AFP ne donne pas de droit de réponse et qu’on ne peut que l’attaquer en diffamation (ce qui est aléatoire, dure des années et n’aboutit qu’à 1 euro de dommages-intérêts), que les journaux qui ont pris soin de noter AFP sur la source se retranchent derrière le communiqué pour refuser également un droit de réponse et qu’on ne peut en obtenir mais six mois après que par des journaux qui ont modifié la dépêche ou en ont rajouté. Bref , bien que Benjamin Stora mobilisé par l’AFP dans son entreprise de désinformation m’ait présenté ensuite ses excuses pour avoir été instrumentalisé par la journaliste pour un ouvrage qu’il n’avait pas ouvert, la campagne de diffamation a porté ses fruits : plusieurs libraires ont renvoyé le stock d’ouvrages sans l’ouvrir « pour ne pas polluer l’esprit de mes lecteurs » comme l’a précisé l’un d’ente eux et les grands medias qui de temps à autres m’accordaient la parole sur un sujet dont je suis un spécialiste reconnu internationalement m’ont systématiquement exclu de l’antenne. À côté figure l’Abécédaire illustré de la littérature jeunesse publié en 2013 à l’Atelier du Poisson Soluble qui est le premier dictionnaire illustré de cette littérature du XVIe siècle à aujourd’hui en France et dans les principaux pays du monde, puis Les journaux d’enfants pendant la Grande Guerre une plaquette publiée chez Frédéric Douin en avril 2018 sur un sujet où il n’existe aucun ouvrage illustré. Le tour du monde en 80 cocktails paru chez Orphie fin 2014 a obtenu le prix Spirit Bar 2015 non pas parce que mes cocktails sont meilleurs que les autres mais parce que cet ouvrage comporte 80 aquarelles de Pierre Estable qui mettent en scène l’imaginaire de chaque cocktail, c’est à dire ce à quoi la dégustation d’un cocktail vous fait rêver. J’ai enfin publié en 2015 chez Belin Jules César, l’ascension d’un chef, où le jeune lecteur découvrira qu’avant d’être le grand « imperator », Jules César savait qu’il aurait un destin extraordinaire et en 2016 toujours chez Belin Explorer et enseigner les contes de fées, trois ouvrages en un seul volume illustré , l’un sur les approches diverses des contes, le second sur 15 contes de fées de tous les pays présentés dans leur intégralité et dans leur contexte avec leurs suggestions d’exploitation pédagogique et le troisième, un dictionnaire des contes de fées dans le monde avec les auteurs, les illustrateurs, les héros et le résumé des principaux contes parus. 2 Plan de l’intervention Après cette introduction un peu longue mais qui vous permet de savoir un peu qui je suis, j’en viens au cœur du sujet et je vais présenter le continent africain avec ses atouts, ses défis à relever et les scénarios possibles du futur car il y en plusieurs contrairement à ce que disent certains, qui nous permettront d’ouvrir la discussion. 3 L’Afrique au cœur des enjeux du XXIe siècle Aujourd’hui tous les regards sont braqués sur l’Afrique comme le traduisent les deux couvertures du Point et d’Aujourd’hui l’Afrique. Les Européens ont pris conscience que c’est l’avenir de l’Afrique qui forgera le destin de l’Europe. On ne peut pas en effet combattre le désir de migrer chez les ressortissants d’un continent qui n’est séparé de l’Europe que par quelques dizaines de kilomètres et dont les habitants savent par les images transmises par les médias et les informations de leur diaspora que ce continent qui a une tradition d’accueil et de droits de l’homme est deux fois moins peuplé et dix fois plus riche au moins en théorie que celui où ils sont nés. 4 L’Afrique : bref état des lieux : L’Afrique en chiffres c’est d’abord 30,4 millions de kilomètres carrés, 1,2 milliards d’habitants en 2016 même si le chiffre est discutable car dans certains pays l’état civil n’existe pratiquement pas et les trafics de papiers d’identité sont florissants. Ce continent abrite 54 pays dont plus de la moitié sont en proie à des guerres extérieures ou des guérillas intestines. Il est traditionnellement divisé en 5 zones (Afrique du Nord, de l’Ouest, de l’Est, Centrale ; Australe) et on y parle pas moins de 2000 langues même si officiellement les 5 langues coloniales et notamment le français et l’anglais sont les plus utilisées avec un développement aujourd’hui important de l’arabe. 5 Les atouts de l’Afrique : Contrairement aux discours compassionnels, ou carrément négatifs, l’Afrique ne manque pas d’atouts. On dira schématiquement que c’est un continent . très riche malgré la pauvreté de ses habitants, notamment de par ses matières premières . très diversifié avec des opportunités très importantes en matière touristique, et une population dans sa majorité très accueillante, . très jeune (ce qui peut aussi être un avantage), . de plus en plus urbanisé et connecté . qui bénéficie d’ une croissance soutenue et d’une diaspora très active. Je m’arrêterai sur deux de ces atouts 5-1 La jeunesse africaine : Si on regarde la pyramide des âges de l’Afrique telle qu’elle a été établie en 2015, on peut remarquer que plus de la moitié de la population a moins de 20 ans. Ce qui amène à trois conclusions . la transition démographique qui touche le Maghreb n’a pas atteint l’Afrique subsaharienne. Avec environ 7 enfants par femme le Niger (musulman ) et Madagascar (chrétienne ) n’ont aucune chance avec leurs ressources actuelles de fournir du travail à tous leurs enfants et même de les nourrir. . Cette jeunesse ardente et volontiers frondeuse ne peut se contenter des places chichement octroyées par les dirigeants actuels d’autant plus que l’élévation du niveau d’éducation a favorisé la conscientisation des enjeux politiques. La question est de savoir si elle trouvera un projet dans lequel investir ses énergies ou si elle se laissera tenter par les sirènes de la révolution ou de l’émigration. 5-2 La croissance africaine : À considérer les statistiques officielles, la croissance africaine, bien supérieure à celle des Européens avec 3 7% d’augmentation annuelle et des pointes de 6,2% en Afrique de l’Est devrait rendre optimiste sur l’avenir de l’Afrique. Mais cette conclusion doit être largement modulée : . Ces statistiques ne prennent en compte que l’économie formelle et non l’économie informelle qui permet aux Africains de survivre . Cette croissance est très mal répartie. L’écart ne fait que se creuser entre les élites et la population des campagnes et des bidonvilles des grandes métropoles. . L’hypothèse des bailleurs de fonds sur l’émergence d’une classe moyenne africaine – définie pourtant par un niveau de vie très faible (moins de 10 dollars par jour ) – ne tient pas actuellement ses promesses. C’est au contraire cette (petite) classe moyenne qui constitue aujourd’hui un des viviers de l’émigration 6 Les défis de l’Afrique : Face à ces atouts qui sont souvent mal utilisés les défis ou les handicaps de l’Afrique sont nombreux : . un PIB très mal réparti . un Indice de Développement Humain (IDH) catastrophique . une croissance démographique exponentielle où l’atout de la jeunesse devient un handicap . une dépendance vis à vis des bailleurs de fonds . une instabilité chronique . une corruption qui va du haut au bas de l’échelle sociale . un continent en voie d’islamisation. Je m’arrête sur ce point mal connu. De façon globale la natalité est plus forte en terre musulmane qu’en terre chrétienne et plusieurs pays autrefois chrétiens sont aujourd’hui à majorité musulmane. C’est le cas du Tchad, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et dans une moindre mesure - car il reste des traces d’animisme et de syncrétisme- du Bénin et bientôt du Burkina-Faso voire de la République Centrafricaine. Je prendrai ici trois exemples 6-1 Un PIB très mal réparti : L’analyse chronologique de l’évolution du PIB des différents pays africains entre 1990 et 2015 est sans appel. Seule l’Afrique du Sud qui partait il est vrai de plus haut peut être considéré comme un leader économique. Plusieurs experts la rangent dans le top 5 des pays émergents, le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, South Africa), qui se réunissent régulièrement et devraient devenir les géants de demain. Reste que l’évolution actuelle de l’Afrique du Sud dont les dirigeants veulent ponctionner la richesse et les propriétés des Blancs risque d’être contre- productive. Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique mais dont personne ne connaît véritablement le nombre d’habitants (on parle de 190 millions en 2017) a décollé et attire des investisseurs étrangers. Les autres pays stagnent et 33% des habitants vivent dans un état d’extrême pauvreté. 6-2 Une démographie en croissance exponentielle : Sur le tableau présenté on voit clairement que les prévisions des experts laissent entendre que l’Afrique qui comptait un milliard d’habitants en 2010 pourrait dépasser les 4 milliards en 2100 et rejoindre quasiment l’Asie, alors que les autres continents stagneraient voire régresseraient. Certes on peut à juste titre se méfier de ces prévisionnistes de la Banque Mondiale et du FMI qui travaillent souvent en chambre et se sont presque toujours trompés quand ils extrapolaient sur le long terme des évolutions à court terme. Aucun expert aujourd’hui ne peut dire avec certitude si la « transition démographique » (les femmes font moins d’enfants pour leur assurer un avenir meilleur et parce que la mortalité a diminué) qui touche actuellement le Maghreb s’étendra à l’Afrique. Les quelques signes apparus dans certaines métropoles ne constituent pas des indices suffisants et de toute façon leurs répercussions sur l’évolution de la démographie ne se verront que sur la prochaine génération. Reste que sur ces hypothèses l’Afrique ne donnerait le choix à ses enfants qu’entre la misère et l’émigration de ses forces vives. 6-3 La dépendance : Sur qui peuvent en définitive compter les Africains, en dehors de leurs ressources propres ? L’aide publique au développement représente 28, 4% des flux financiers extérieurs. En théorie il s’agit de prêts. Dans la pratique la plupart des créanciers publics leur accordent des remises gracieuses ou au pire étalonnent sur des dizaine d’années les remboursements pour en diminuer le montant. Les Africains ont d’ailleurs inventé une formule pour ces procédures. Ils parlent de « prêts non remboursables » Les transferts de fonds provenant de la diaspora représentent 29,7% de ces flux financiers  sans compter les transferts de fonds informels issus de l’acheminement en bagages accompagnés de biens ou de la pratique de l’hawala , un protocole financier via un commerçant dans le pays d’accueil et un autre dans le pays d’origine pour éviter les frais inhérents aux opérations menées dans le cadre d’organismes comme Western Union Les investissements directs étrangers (IDE) représentent 41% des flux financiers. Ce sont eux dont l’Afrique a le plus besoin. Mais ils ne se portent que sur les pays ayant une surface financière importants et considérés comme fiables ; l’Afrique du Sud, le Nigeria et à un moindre degré l’Ouganda, la Namibie, Maurice, les Seychelles. 7 Les scénarios du futur. En 2003 dans un ouvrage publié par Karthala, Afrique 2025 et sous titré « quels futurs possibles au sud du Sahara ? » avec une préface de Thabo Mbeki alors Président de la république d’Afrique du Sud et de l’Union Africaine, le Programme des Nations Unies pour le Développement avec la collaboration de chercheurs africains et de responsables associatifs avait identifié quatre scénarios baptisés respectivement : . Les lions pris au piège (un scénario qui prolonge la situation actuelle) . Les lions faméliques (misère et pays dominés par des chefs de guerre) . Les lions sortent de leur tanière (la nouvelle génération tente de concilier amélioration de l’éducation, de la santé et des services publics avec le respect des valeurs anciennes) . Les lions marquent leur territoire (développement productiviste, démocratie et décentralisation, alliance avec les pouvoirs symboliques notamment religieux ) Aujourd’hui ces scénarios paraissent relever largement de l’utopie. Ceux esquissés plus récemment sont davantage des lames de fond que des vagues de crête. Ils s’appellent : . la ruée vers l’Europe comme en témoigne l’ouvrage de Stephen Smith qui ne dissimule pas les peurs d’une submersion migratoire de la part des habitants des pays d’accueil ; . la migration climatique générée par les conséquences du réchauffement, du mauvais traitement des déchets, du déboisement, de la montée des océans et de la salinisation des sols ; . l’immigration virtuelle favorisée par le développement de la connectivité qui permet de travailler en Afrique à des salaires minima pour des firmes installées en Occident ; . l’inversion des flux générée par l’apaisement des conflits et le retour des IDE. C’est de tout ceci que je vous propose de débattre. Conférence donnée devant le Cercle Frédéric Bastiat le 9 juin 2018. Pour visionner la vidéo.



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