Pour un renouveau libéral

Contrairement à ce qu’en disent certains journaux, radios et télévisions, le programme de François Fillon n’est pas « ultra libéral ». Il est évidemment bien plus réaliste que le rêve socialiste d’une société dirigée donc parfaite et d’une population conditionnée donc heureuse, mais la philosophie qui le sous-tend paraît plutôt un humanisme conservateur. Les mesures d’assainissement des finances publiques et de résorption des déficits sociaux qu’il prévoit sont indispensables à toute politique responsable, qu’elle soit libérale, conservatrice ou même socialiste. Par contre, François Fillon ne propose pas clairement d’abandonner le dirigisme économique et social pratiqué par tous les gouvernements depuis 1945. Trois exemples : • En repoussant l’âge du départ en retraite pour régler le problème de son financement, il ne libère pas l’individu des contraintes imposées par le régime de répartition actuel. • Sa proposition d’aligner le régime social des artisans-commerçants sur celui des autoentrepreneurs ne règle pas les problèmes posés par le monopole des organismes sociaux. • Son projet de limiter le rôle de l’assurance maladie de la sécurité sociale aux pathologies graves et de confier le remboursement des autres pathologies à des assurances complémentaires est un réel progrès, mais il ne précise pas si l’adhésion à ces dernières serait obligatoire. Ces trois exemples montrent la nature du libéralisme qui se résume par cette évidence : l’intervention de l’État dans la vie de chacun ne doit contredire la liberté individuelle que pour assurer celle de tous. L’ouvrage intitulé Un projet social-libéral pour la France qui vient d’être publié aux éditions Libréchange a pour ambition de montrer qu’une politique réellement libérale n’est ni utopique ni « antisociale ». Il donne en quelque sorte un schéma directeur fondé sur le respect des droits de l’homme. Un préambule contient des propositions volontairement provocatrices : il s’agit de montrer l’emprise du conformisme actuel sur les mentalités, son effet sur la liberté de penser et ses conséquences sur la liberté d’expression. L’essai continue par une réflexion à la fois philosophique et scientifique sur la nature de l’homme, qui n’est pas qu’un être rationnel, et dont la compréhension du monde est limitée. Cette démarche comporte trois points : • Le premier est l’analyse des politiques économiques et sociales menées depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Ces politiques sont toutes fondées sur l’interventionnisme économique et social, suivant les théories de Keynes et de Marx, et sur la notion d’intérêt général inspirée de Rousseau. Après une critique théorique de cet interventionnisme, j’analyse les causes psychologiques et sociales de l’adhésion qu’il suscite encore actuellement dans une grande partie de la population. • Cette analyse conduit à l’abandon de ces politiques interventionnistes qui mènent maintenant à l’impasse. Les blocages économiques et sociaux qu’elles ont créés peu à peu sont incompatibles avec les nouvelles technologies et la mondialisation. Cet abandon est fondé sur l’idée suivante : toute politique qui agit sur des forces et tendances collectives limite les droits naturels de l’individu et contient les germes de son échec. • Le troisième point consiste à définir une politique réellement libérale, consistant à permettre à chacun de vivre dans la dignité suivant ses propres choix. Cet objectif commun, accepté par tous puisque fondement de la démocratie, est substitué à l’intérêt général fixé actuellement par la majorité politique et qui, une fois reconnu par le Conseil constitutionnel, est imposé à tous et ne profite qu’à certains. Cette démarche est suivie de propositions concrètes. Je me suis limité à six propositions dans cet essai. • L’aide sociale est destinée uniquement aux familles en détresse, temporaire ou permanente : il n’y a plus de redistribution des richesses de tous envers tous dans l’objectif d’égalité réelle. Cela se traduit par la création d’un compte social recensant toutes les aides dont chaque famille bénéficie, et permet d’instaurer un devoir de réciprocité entre les bénéficiaires et la collectivité qui peut leur imposer une participation à la vie sociale sous diverses formes comme des travaux d’intérêt général. L’aide sociale est financée par l’impôt, et le déficit résiduel du compte social vient systématiquement en déduction de la succession. • L’aide au logement est une aide sociale et donc réservée aux personnes et familles en difficulté permanente ou temporaire. Il s’agit d’une aide financière et sociale, garantissant au bailleur le paiement des loyers et aux locataires le respect des baux. Les sociétés d’HLM sont privatisées, les loyers sont exonérés de prélèvements sociaux. Les lois de défiscalisation et la loi ALUR sont abrogées. • La démocratie sociale, caractérisée par les accords de branche et les conventions collectives, ne doit bénéficier qu’aux salariés syndiqués et aux entreprises signataires de ces accords. Le chômage est considéré comme un préjudice causé aux salariés licenciés, et son indemnisation, calculée sur la base de la durée moyenne du retour à l’emploi, est due même en cas de reprise immédiate d’un emploi. En cas de chômage de longue durée, elle est remplacée par une aide sociale. • Le système de retraite obligatoire est limité à une retraite assurant un revenu minimal (800 € mensuels), et le financement de la retraite complémentaire est de la responsabilité de chacun. Cela permet une grande liberté de choix dans les investissements (capitalisation, viager, obligations etc.), dans l’âge du départ à la retraite, dans la protection du conjoint et dans la transmission du patrimoine. • Le système de santé est libéralisé, avec une couverture sanitaire obligatoire minimale et une couverture complémentaire choisie par chacun. Les hôpitaux publics deviennent autonomes et la création de clinique est libre. Les honoraires des praticiens sont libres et fixés par des accords entre compagnies et mutuelles d’assurance et réseaux de professions libérales. La liberté d’installation est assurée pour tous les praticiens, et les quotas d’étudiants dans les disciplines médicales sont supprimés. • L’école est profondément remaniée. Les établissements publics ou privés deviennent autonomes financièrement et pédagogiquement. Le financement de la scolarité est assuré par un chèque éducation. La formation des enseignants, inspirée de celle des médecins (externat, internat), est validée par une habilitation universitaire et un serment analogue à celui d’Hippocrate. Les recrutements sont effectués par les chefs d’établissement. Un Conseil supérieur de l’éducation indépendant du gouvernement est chargé des programmes et sujets des examens et du contrôle déontologique des enseignants. Les parents choisissent l’établissement de leurs enfants en fonction de son projet éducatif. Ces propositions sont toutes fondées sur le respect des droits de l’homme. La majorité n’a plus tous les droits, et les gouvernements ne peuvent plus légiférer en limitant l’exercice d’un droit constitutionnel sous prétexte de l’intérêt général fixé par la majorité du moment comme c’est le cas actuellement. Elles garantissent la liberté et la propriété tout en protégeant les familles en difficulté. L’ouvrage se termine par deux annexes. La première est une critique de l’ouvrage de Thomas Piketty Le capitalisme au XXIe siècle. Les calculs de Piketty sont déjà contestées dans de nombreux travaux, et l’approche suivie dans cette annexe est plus une critique méthodologique : les notions de patrimoine et de concentration des richesses sont très difficiles à analyser. La seconde explique l’évolution de la démocratie sociale en prenant comme exemple l’obligation faite à tous les salariés du secteur privé de souscrire une assurance complémentaire santé et aux employeurs d’en financer au moins la moitié. Décidée par des syndicats représentant environ 7% des salariés du privé, elle témoigne d’une dérive autoritaire et inefficace vers une sorte de totalitarisme social. "POUR UN RENOUVEAU LIBÉRAL Un projet social-libéral pour la France" Par Thierry Foucart Libréchange, Paris



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