Un choix crucial

Un choix crucial Depuis la crise de 2008, les gouvernements successifs ont tenté relancer l’activité par des mesures volontaristes. Ils ont cherché à orienter l’activité économique et financière pour redonner du dynamisme au marché du travail en particulier. Leurs interventions relèvent de ce que Hayek appelle le libéralisme continental, par opposition au libéralisme anglo-saxon qui consiste à « laisser faire ». Modèle keynésien Le premier modèle économique appliqué a été le modèle keynésien classique expliquant la croissance par la dépense publique, ou encore l’offre par la demande. Le choix politique de ce modèle est fondé sur deux hypothèses : La première est sa validité économique. Il s’agit d’un jugement humain, fondé sur l’analyse critique du modèle dont la scientificité n’a rien à voir avec celle des sciences de la nature. La seconde est le choix de la dépense publique comme variable « indépendante », c’est-à-dire sur laquelle les pouvoirs publics peuvent agir. Ce choix n’est justifié que si l’État et les collectivités territoriales sont plus compétents que le secteur privé pour dépenser de façon efficace. Cette position est clairement idéologique. C’est la politique économique qui a été suivie de 2008 à 2014 : les présidents Sarkozy et Hollande ont été d’accord sur ce modèle, sans plus de succès l’un que l’autre. Le premier a augmenté la dette publique pour augmenter la dépense publique, et à partir de 2012, pour appliquer ce modèle, le nouveau gouvernement a été soumis à une contrainte financière et s’est fixé une contrainte idéologique : La dette de l’État avait déjà atteint un niveau très élevée. Par suite de l’abandon de la souveraineté nationale au plan monétaire, il était impossible de l’accroître, d’où la nécessité d’augmenter les prélèvements obligatoires pour augmenter la dépense publique. Compte tenu de l’idéal de justice sociale du gouvernement en place – l’égalité réelle, les foyers de faible revenu devaient être préservés de toute hausse des prélèvements obligatoires. La conséquence logique a été la hausse des prélèvements obligatoires supportés par les classes moyenne et supérieure et les entreprises. La première hypothèse est discutable. La relance de la croissance par la dépense publique a été l’outil privilégié des gouvernements depuis 1975. Elle a généré un déficit budgétaire qui s’est accumulé sans interruption pour créer la dette de l’État que nous connaissons maintenant (plus de 100% du PIB). Dans le même temps, le taux des prélèvements obligatoires a augmenté, de 35% à 45% du PIB environ. L’économie française est très vraisemblablement sortie du domaine d’application du modèle keynésien, et l’État n’a plus guère de marge de manœuvre dans la gestion de la dette publique. En ce qui concerne la seconde, les décisions d’investissement public sont prises par des élus et des fonctionnaires suivant des choix économiques effectués par la haute administration parisienne. Elles sont soumises au lobbying, à des pressions politiques et sectorielles parfois sans aucun rapport avec l’intérêt général fixé par le gouvernement. Personne n’assume le risque de l’échec, --sauf le gouvernement soumis à un risque politique. Ses choix tiennent compte de ce dernier. Leur pertinence est loin d’être assurée. Modèle « social-libéral » Cette politique économique a abouti à un échec. À partir de 2014, un autre gouvernement a été chargé d’appliquer une autre politique consistant à alléger les charges financières et sociales des entreprises. Il s’agit d’une inversion de la relation de causalité, et le modèle consiste à favoriser l’offre pour provoquer le retour de la dépense et de la croissance. Le Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE), qui rembourse aux entreprises les charges salariales versées sur les salaires jusqu’à trois fois et demi le SMIC, leur donne effectivement la possibilité d’investir, de sécuriser les emplois, éventuellement de recruter. La tutelle de l’État reste présente parce que l’administration impose aux entreprises des conditions pour en bénéficier. Le CICE n’est en fait plus ou moins que la restitution de l’augmentation des prélèvements sur les sociétés appliquée à partir de 2012. Mais cette restitution profite aux entreprises sélectionnées, pas aux autres, alors que toutes ont subi l’augmentation des charges jusqu’en 2014. C’est une forme de redistribution entre les entreprises, au bénéfice de celles qui correspondent aux critères fixés par l’État. Rien ne dit que ces critères de sélection soient les bons. Les protestations sont nombreuses, venant à la fois de syndicats et de chefs d’entreprises. Les critiques portent sur les secteurs d’activités des entreprises qui en sont fortement bénéficiaires : ce sont celles dont les salaires inférieurs au seuil fixé représentent une partie importante de la masse salariale, par exemple la grande distribution. Le Journal du net1 donne une liste de seize entreprises qui totalisent à elles seules 8,3% du CICE en 2014. La CGT n’est pas en reste : « Le rapport annuel de 2015 montre qu’une fois de plus, le CICE rate incontestablement sa cible et ne profite toujours pas aux secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, et qui pourraient rencontrer des difficultés à exporter » et constate qu’ « aucun lien direct n’existe réellement entre les dispositifs intégrés au CICE et la création d’emploi, la formation, les investissements productifs. »2 La critique de la CGT porte aussi sur le patronat, accusé d’utiliser « les fonds du CICE, qui représentent 18 milliards d’€, pour les transformer en exonérations de cotisations sociales, sans contrôle, ni accord préalable. » Cette politique dirigiste vis-à-vis des entreprises provoque donc les mêmes contestations que la redistribution des richesses dans la population. Sa réussite n’est pas garantie. Le courage politique est nécessaire pour l’imposer et ne pas céder aux contestations et aux conflits sociaux. Qualifier cette politique de « sociale-libérale » est exagéré. Son objectif est clairement social, malgré les contestations qu’elle a générées, mais ses méthodes ne sont pas libérales au sens propre du terme : elle consiste à intervenir dans le fonctionnement économique et à orienter l’évolution en agissant sur les forces sociales au lieu de les laisser agir librement. Que faire ? Les deux orientations précédentes ont été suivies par une même majorité politique. La première a été clairement un échec, et son abandon a provoqué une scission de cette majorité. La seconde a profité tardivement d’une amélioration de la conjoncture internationale. Le problème qui se pose maintenant est de choisir entre la poursuite de la seconde orientation, le retour à la première après avoir quitté la zone euro pour échapper à la tutelle de la banque centrale européenne, et des réformes structurelles difficiles replaçant la France dans une position comparable à celle de l’Allemagne. On se demande comment il serait possible d'augmenter la dette publique, pour financer la politique de relance ou le revenu universel sans quitter la zone euro. D’autres idées sont intéressantes, comme la séparation entre banques d’affaires et banques de dépôt. D’autres critères interviendront bien sûr dans le choix effectué par les Français. C’est un choix crucial pour l’avenir de la France, et le libéralisme proprement dit en est quasiment absent, alors qu’il participe aux gouvernements d’un certain nombre de pays de l’Union européenne, comme les Pays-Bas et l’Irlande, dont les réussites économiques sont évidentes. L’offre politique est incomplète, et c’est très regrettable.



0 commentaire(s)


Vous souhaitez commenter ?

Votre adresse électronique ne sera pas publiée. Les champs requis sont marqués d'une *