Histoire de l'économie mondiale 2

Histoire de l'économie mondiale

des chasseurs cueilleurs aux cybertravailleurs

Conférence de Monsieur Jean-Marc Daniel là Dax le 9 avril 2022

Deuxième partie

Lire la première partie.  

Je vous propose maintenant d’examiner le destin exceptionnel du Royaume-Uni. Avant de développer mon point de vue, une anecdote bordelaise montrant l’ignorance actuelle de l’Histoire de l’Aquitaine.

Accueilli un jour pour une conférence à Bordeaux, je signalais à la personne qui m’accueillait à la gare et qui voulait me donner un plan de la ville, que je n’en avais pas besoin, ma famille étant bordelaise depuis Jean Sans Terre. Cette jeune personne, Master en communication, bac+5, avait sans doute peu suivi de cours d’histoire. Elle me demanda s’il participait au colloque. Je la rassurai en lui disant « pas cette fois-ci ». J’avoue d’ailleurs que, quand je signale à mes étudiants que ce roi était contemporain d’Ivanhoé, ils me demandent l’orthographe de ce nom bizarre.

Shakespeare, qui écrivait sous les Tudor et donc accablait les Plantagenêt, a fait un portrait horrible de Jean Sans Terre. C’est pourtant lui, pur aquitain, qui réunit un jour ses barons pour lever des impôts destinés à faire la guerre, bien entendu aux Français, Philippe-Auguste en l’occurrence. Mais il est alors contraint d’accorder aux barons une Charte, la Magna Carta, qui oblige d’obtenir l’accord des contribuables pour lever un impôt. C’est l’origine de la démocratie parlementaire et budgétaire, avec des représentants des communes dans une Chambre des Communes.

Un personnage a été désigné pour présenter à la Chambre l’état des finances royales. Ce personnage, est appelé curieusement Chancelier de l’Echiquier. C’est que sa fonction a été créée à Alençon, où il existe toujours dans la préfecture de l’Orne, une salle qui présente sur son sol un échiquier. Alençon était la ville où se réunissait la noblesse du duché de Normandie, le roi d’Angleterre étant duc de Normandie.

Cette Magna Carta déclarait également que personne ne pouvait être détenu en prison plus de 48 heures sans être présenté à un juge. C’est ce qu’on appelle l’Habeas Corpus.

Enfin, il y a des conditions économiques :

Tout d’abord la Chambre n’est pas compétente pour fixer la dot de la fille du roi, non plus que pour définir la rançon du roi s’il est prisonnier. C’est un domaine réservé, hors des compétences du simple contribuable.

Puis il est dit que sont exonérés d’impôts et de droits de douane les produits des bateaux qui rentrent dans les ports de Londres et Bordeaux.

Ainsi dès le XIIIe siècle la situation de ces 2 ports, tous deux au fond d’un large estuaire, donc protégés, sont considérés comme les poumons économiques du royaume. On privilégie l’échange, considéré comme à l’origine de la croissance économique. On comprend que le travail n’a de sens que s’il est spécialisé et échangé.

Plus tard, le fils de Jean sans Terre, Henri III Plantagenêt, va négocier avec Saint Louis la délimitation des territoires français et anglais. Dans cette négociation qui va déboucher sur le Traité d’Abbeville, les Anglais et les Aquitains arrivent avec une carte de la circulation des bateaux sur la Garonne et la Dordogne. Les Français arrivent avec des cartes romaines, des limites historiques de diocèses.

Les Anglais préfèrent assurer la circulation des marchandises, par exemple des noix de Brive qui descendent vers Libourne, et déterminer la frontière en fonction de ce type de critères. Ils se soucient de qui travaille, qui produit et qui échange.

C’est ce que j’appelle le miracle anglais qui va déboucher sur le XIXe siècle.

Pour y voir clair, il faut distinguer des courants de pensée issus de pays étatistes et de pays libéraux.

Ainsi, je citerais un écrivain allemand, malheureusement peu lu car hypernationaliste dans les années 1920-30. Il n’était pas nazi car il disait que ce qui était important c’était d’être allemand, que l’on soit catholique, protestant ou juif. C’était Oswald Spengler. Il a écrit un gros livre assez peu digeste « Le déclin de l’Occident », mais dont il a extrait un petit texte « Prussianité et socialisme ».

Il y classe les pays en 5 catégories :

Ceux qui ont une vision positive de la liberté et qui la mette au centre comme l’Angleterre

Il y a ceux qui ont une vision négative de la liberté, qui s’en servent pour en faire n’importe quoi : c’est l’Italie de Florence.

Il y a ceux, qui ont une vision positive de l’État, qui le mettent au centre et s’en servent intelligemment. C’est la Prusse, l’Allemagne.

Il y a ceux qui ont une vision forte de l’État, mais négative et contre-productive, comme les Français.

Entre Frédéric II de Prusse qui dit : « Je suis le premier serviteur de l’État » et Louis XIV qui dit : « L’État c’est moi », il y a une différence fondamentale de sensibilité et de philosophie.

Enfin il y a ceux qui sont totalement incontrôlables car animés par un esprit religieux, les Espagnols de Charles Quint et Philippe II, ou les Russes, qui ont donné les bolcheviks.

Il en conclut qu’il faut se méfier des Espagnols, des Italiens et des Français, et encore plus des Russes car ils sont religieux et mongols.

Dire ceci est facile, surtout en ce moment. Mais en tout cas le XIXe siècle voit s’effondrer le modèle franco-chinois. Sur le plan militaire en France en 1814 et en Chine en 1839.

Les Anglais dont nous avons vu les qualités avérées de boutefeu, ont fait très fort avec les Chinois. Toujours vils, querelleurs et fourbes, ils ont réussi à obliger les Chinois à leur acheter de la drogue. Dans l’histoire, c’est sans doute le seul État ayant assumé le métier de vendeur de drogue.

Mais ce qui va caractériser l’Angleterre au XIXe siècle est autre chose.

On peut dire que l’Angleterre du XIXe a été un capitalisme carbonifère. Sa puissante croissance démarre vers 1815 grâce au charbon. Elle libère l’agriculture et dispose d’une source d’énergie colossale.

Il y a un siècle la Grande-Bretagne produisait un quart du charbon mondial et il y a deux siècles 60%.

Plus généralement, pour donner une idée de l’explosion énergétique, notons que l’ensemble des moulins de France en 1789, source essentielle d’énergie hors le bois et ses dérivés, produisaient l’équivalent de deux jours de consommation française de pétrole annuelle actuelle.

Le 2ème atout de la Grande-Bretagne est un État affaissé, depuis Jean Sans Terre.

Et pourtant, pendant la Guerre de Sept Ans, les Anglais se battent, relate David Hume. Il explique alors que les Anglais ont l’habitude de l’adversité, en particulier de celle de la nature. Ainsi en Angleterre il pleut tout le temps, les femmes sont laides et la nourriture est pathétique.

« En France-dit-il- où j’ai été chargé d’affaires à l’ambassade d’Angleterre à Paris, le temps est agréable, le spectacle de la rue est sublime, avec des femmes superbes et le moindre lieu où vous êtes invité à diner propose une nourriture exceptionnelle.

Ici en France, l’adversité est l’État qui, contrairement à la nature, n’a pas de limite. »

Hume en conclut que la France perdra et que l’Angleterre s’en sortira.

Gladstone va théoriser cela avec ce qu’il nomme l’État minimal. Expliquant le budget de 1852, il dit qu’il sera à l’équilibre, et que, à chaque fois qu’on dépensera 1 Livre, on se posera la question de savoir si un acteur privé ne l’aurait pas mieux utilisé.

Principe de base : la dépense publique n’a de valeur que comparée à celle de l’utilisation qu’en ferait un autre agent économique.

Un autre avantage a trait au colonialisme. Les Anglais ne cherchent pas à apporter la civilisation aux autres, si ce n’est le cricket que seuls ont compris les Hindous et les Pakistanais, contrairement aux Bordelais. Les Anglais sont venus avec leurs battes, leurs cannes de golf, mais surtout avec leurs marchandises.

Sur le drapeau indien est dessiné le rouet de Ghandi qui voulait que le peuple de l’Inde puisse travailler sans être dépendants des Anglais. Mais l’Etat anglais avait garanti du travail, et non l’oisiveté, à sa population à travers des débouchés à sa production, en Inde en particulier. Et l’Angleterre inonda le monde avec ses produits.

Ce modèle a explosé en vol et a été remplacé par le modèle américain et ce sera ma conclusion.

Ce modèle américain a renoncé à un élément clé du modèle anglais qui était l’étalon-or. Aujourd’hui, nous vivons au jour le jour. Les alchimistes ont pris le pouvoir. L’argent magique coule à flot.

Pour la France, qui suit ce modèle, j’ai mis au point une unité de gabegie financière qui s’appelle le Macron. Il se trouve que chaque fois qu’il y a problème Macron craque 17 milliards, ou un multiple. Gilets Jaunes 1 Macron. Grèves SNCF, je récupère la dette, 34 mds ou 2 Macrons. Problème de retraites, Edouard Philippe signe pour 51 mds, 3 Macrons. Creusement du déficit budgétaire pendant la pandémie : 68 mds ou 4 Macrons. Chiffrage du programme Emmanuel Macron :51 mds : 3 Macrons.

D’où vient cet argent ? De la BCE par une simple écriture comptable de ligne de crédit.

Je pense que tout ceci va mal se terminer. Au moins à l’époque anglaise on pouvait avoir une avance mais on posait la question : « Vous avez de l’or derrière ? » Sinon le prêt était limité.

J’ai fait un papier dans les Échos où j’écrivais : « Les monnaies française et suisse sont de nouveau à parité. » C’était déjà le cas en 1913. Mais, pendant ce siècle révolu, la monnaie française qui est passée du franc-or au franc Chirac puis à l’euro, a été divisée par 656. Sommes-nous plus heureux que les Suisses ? Je n’en suis pas sûr. Et nous avons systématiquement sacrifié notre monnaie.

Deuxième différence : à travers l’État, les Américains ont fondé la régulation économique sur le déficit budgétaire. Les Anglais du XIXe régulait l’économie à travers la déflation par la baisse des salaires. Il y avait des périodes où les salaires stagnaient ou baissaient, mais les prix baissaient aussi, plus ou moins. Psychologiquement, il y avait une tension sociale et des révoltes, comme l’a vu Karl Marx.

Chez les Américains, si les prix montent, si l’essence coûte cher, l’État maintient le pouvoir d’achat en finançant les produits. Qui paie ? C’est l’argent magique, qui punit les générations suivantes. Le modèle anglais acceptait une correction immédiate, Le modèle américain fait un transfert générationnel. Ce n’est pas supportable longtemps.

Troisième différence : tout ceci a entrainé une croissance des inégalités, qu’on a atténué en augmentant systématiquement le revenu des plus pauvres. Ce qui rend le modèle américain encore plus fragile.

Il est fragile car il n’est pas vraiment libéral, en ne respectant ni la monnaie, ni l’équilibre budgétaire et il s’illusionne en pensant que le remède à ses maux viendra de la croissance alors qu’elle n’est plus au rendez-vous.

Pourquoi n’est-elle pas au rendez-vous ? La croissance, c’est du progrès technique et du travail. Le progrès technique en France est redescendu au niveau de 1820, avant la révolution industrielle. Bien entendu on a réuni des commissions. Il y a eu une commission de la productivité qui a été réuni par le ministre, grand littérateur et le plus grand ministre depuis Colbert. La commission, composée des meilleurs économistes du pays, s’est réuni pendant 6 mois et a conclu nettement : l’évolution de la productivité en France est un mystère.

Ne reste donc plus que le travail. C’est le seul élément à notre disposition.

Je conclus comme Saint Paul : « Qui non laborat, non manducet » ou « celui qui ne travaille pas, ne mange pas. »

   

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