Le spectre d’un nouvel Holodomor en Ukraine ?

Le spectre d’un nouvel Holodomor en Ukraine ?

Le spectre d’un nouvel Holodomor en Ukraine ?

La presse ne devrait pas dire ça

Le titre d’un récent article dans la presse régionale française (1) peut interloquer : « Guerre en Ukraine : qu'est-ce que "l'Holodomor", cette arme russe que redoutent les Ukrainiens ?”. S’il nous choque, c’est par son instrumentalisation politico-médiatique d’un épisode tragique du Livre noir du Communisme (2).

L’Holodomor (“famine” en ukrainien) désigne en histoire “l’extermination par la faim”, en mémoire du monstrueux crime de masse ordonné entre 1931 et 1933 par Staline. La collectivisation et les réquisitions forcées de denrées alimentaires, aggravées par l’interdiction de circuler, ont causé la mort de 2,5 à 5 millions de personnes en Ukraine. De l’imprécision des chiffres, Staline disait cyniquement que “La mort d'un homme est une tragédie; la disparition de millions de gens, une statistique.”, reprenant la formule d’un journaliste allemand, Kurt Tucholsky, au sujet de … l’humour français.

L’Holodomor a été qualifié en 2006 de “génocide” par l’Ukraine, approuvée par les États-Unis et d’autres pays, la Russie en déniant le caractère intentionnellement génocidaire. En 2008, le Parlement européen l’a désigné comme “crime contre l'humanité”, jugeant qu'il s'agissait d'une famine provoquée. Sans se noyer dans des arguties juridiques qui estomperaient la réalité, il est important de nommer les choses, de manière à ne pas en permettre la récupération outrancière. Or, l’article de référence prétend, sans le documenter et contre toute évidence, que “Aujourd'hui, avec l'invasion russe, le spectre de l'Holodomor plane de nouveau en Ukraine.”

Le Haut représentant de l'Union européenne, Josep Borrell, déclarait fin avril que "Les Russes vont développer bientôt une diplomatie de la famine" (3) et parle maintenant de "crime de guerre", sous le contrôle approbateur de son homologue et mentor américain Antony Blinken, qui juge "crédibles" le "vol" des exportations de céréales ukrainiennes par les forces russes : "Cela crée la faim voire la famine. Il s'agit d'une tentative délibérée d'utiliser l'alimentation comme une arme de guerre", ajoute-t-il, aussi peu convaincant que Colin Powell affirmant en 2003 que Saddam Hussein détenait des armes biologiques de destruction massive (4) (le plus grand mensonge et regret de sa vie, reconnaitra-t-il plus tard). “Il faut comprendre que le terme d'Holodomor n'est pas à prendre à la légère, on en parla même au procès de Nuremberg en 1945”, conclut l’article pour enfoncer le clou du couvercle rhétorique. 

Que faut-il voir dans cette campagne de manipulation des masses, ces ADM d’un nouveau genre ? “Armes de Désinformation Massive”, les médias dominants ne sont plus des contre-pouvoirs : ils sont contre le pouvoir, “tout contre”, dirait l’ancien parolier français d’origine russe Sacha Guitry. Dépendants des redevances publiques octroyées par l’État, ils en sont les relais par le martèlement des topoï discursifs visant à faire d’éléments de langage de la communication institutionnelle, une vérité communément admise. Aristote l’a théorisé il y a ving-trois siècles, les régimes totalitaires l’ont systématisé.

Rappelons que la Russie a cessé l’occupation de l’Île des Serpents, en Mer Noire, officiellement « en guise de « signe de bonne volonté », pour ne pas gêner l’exportation de céréales à partir de l’Ukraine (5). La mainmise russe sur 400 000 tonnes de blé ukrainien, sur un stock d’environ 1,5 million de tonnes, n’affamera pas les Ukrainiens, qui, reliés au reste du monde par près de 1 500 km de frontières avec quatre pays de l’Union européenne, sont ravitaillés quotidiennement par toutes sortes de produits militaires et humanitaires. En revanche, c’est notre ministre de l’économie, Bruno Lemaire, qui a déclaré spontanément le 1er mars « la guerre économique » à la Russie, avant de se rétracter maladroitement.

Or, c’est là que le bât blesse et que la manipulation dont il est question ici a sa véritable finalité. Elle vise à faire porter à la Russie la responsabilité des effets contre-productifs des sanctions et des embargos incohérents que l’Occident lui impose, intenables pour les pays européens qui les ont décrétés sous la pression des Américains, seuls bénéficiaires de cette guerre d’usure. Non, Poutine n’est pas Staline et la comparaison anachronique avec l’Holodomor est impertinente et indigne. La presse ne devrait pas dire ça 

Jean-Michel Lavoizard pour « Nice Provence Info », 11 juillet 2022

Article paru dans Nice Provence Info

  1. https://www-ladepeche-fr.cdn.ampproject.org/c/s/www.ladepeche.fr/amp/2022/07/04/guerre-en-ukraine-quest-ce-que-lholodomor-cette-arme-russe-que-redoutent-les-ukrainiens-10414567.php

  2. https://www.amazon.fr/Livre-noir-communisme-terreur-r%C3%A9pression/dp/2221088611

  3. https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l-entretien/20220420-josep-borrell-les-russes-vont-d%C3%A9velopper-bient%C3%B4t-une-diplomatie-de-la-famine

  4. https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2009/10/default-title-284

  5. La guerre en Ukraine empêtrée dans l’Île des serpents… à sornettes - Nice Provence Info (nice-provence.info)Pour en savoir plus sur la Russie, l'Ukraine et la guerre : Stratpol


Passez de la parole aux actes : faites progresser le libéralisme en France avec le Cercle Frédéric Bastiat

Pour garder son indépendance, le Cercle Frédéric Bastiat ne reçoit aucune subvention. Il ne vit que de vos adhésions et dons. Aidez-nous à populariser les idées libérales. Vous avez 3 façons concrètes de soutenir le Cercle : vous abonner à la revue « Lumières Landaises », adhérer au Cercle, ou donner. Passer à l'action pour faire progresser le libéralisme en France avec le Cercle Frédéric Bastiat



0 commentaire(s)


Vous souhaitez commenter ?

Votre adresse électronique ne sera pas publiée. Les champs requis sont marqués d'une *