Pourquoi l’économie française est grippée

Pourquoi l’économie française est grippée

Les Français ont une culture économique limitée et cela nuit fortement au bon fonctionnement de la société. La révolte des « gilets jaunes » en est l'illustration : ils se plaignent à la fois de l'insuffisance des salaires dans notre pays et des injustices dont ils seraient victimes. Ils ignorent que la France est un des pays les moins inégalitaires qui soient en Europe et que dans le classement des pays par niveau de richesse elle ne vient qu'en onzième position en Europe. Le PIB par tête des Français, selon la Banque mondiale, est inférieur à celui de bon nombre de nos voisins : celui des Danois, par exemple, est de 48 % supérieur au nôtre et celui des Suisses tout simplement le double.

L'économie française, depuis la fin des Trente glorieuses, est à la peine. Chaque année, depuis quarante ans, le budget de l'Etat est-il en déficit et la dette du pays ne cesse d'augmenter. Elle est passée de 21 % du PIB, en 1980, à 100,4 % aujourd'hui selon l'Insee. La France est un pays qui a une balance commerciale qui ne cesse d'être déficitaire. Et elle régresse : sa part dans les échanges mondiaux est passée de 6,3 % en 1980 à 3 % à présent et notre pays n'est plus la cinquième puissance mondiale, mais la septième, battu récemment par le Royaume-Uni et par l'Inde.

Les Français campent donc sur une vision fausse de la situation réelle de leur pays. Le sociologue Olivier Galland nous dit d'eux, fort justement, dans un récent article du « Figaro » : « Ils veulent s'enrichir et travailler moins : une bonne partie d'entre eux sont convaincus qu'il existe un trésor caché, une illusion ». Il faut donc expliquer aux Français d'où vient le mal dont souffre notre économie, et leur faire prendre conscience que les marges de manoeuvre du gouvernement sont très limitées.

Poids industriel

Dans tous les pays, encore aujourd'hui, la production industrielle joue un rôle moteur. Il existe une corrélation extrêmement forte entre la production industrielle des pays et leur PIB par tête, comme le montre le graphique ci-dessous où la production industrielle des pays est calculée per capita, et non pas, comme les économistes le font habituellement, à tort, en pour cent du PIB.

Calculs établis sur la base des données de la Banque mondiale.

Calculs établis sur la base des données de la Banque mondiale

Le coefficient de corrélation est extrêmement élevé. L'on voit sur ce graphique (établi grâce aux données de la Banque mondiale) que le France, en raison d'une production industrielle faible, a un PIB/tête modeste. D'une façon tout à fait inattendue, c'est la Suisse qui a le ratio de production le plus fort, et il en résulte, tout naturellement, un PIB/tête extrêmement élevé, le plus élevé de tous les pays européens, le Luxembourg mis à part : un peu plus de 80.000 dollars, alors que celui de la France n'est que de 41.000 dollars.

Population active

Il manque dans notre secteur industriel, pour le moins, 1.800.000 emplois. S'ils existaient le secteur des services s'en trouverait renforcé de 3.600.000 postes supplémentaires, les économistes considérant qu'un emploi dans le secteur secondaire génère deux emplois dans le secteur tertiaire. Il n'y aurait donc, ainsi, plus de chômage en France.

Cela n'est jamais dit et explique que nous ayons une proportion d'actifs dans la population très faible, ce qui est un handicap sérieux pour le bon fonctionnement de notre économie : 45,7 % seulement, contre 52, 2 % en Allemagne, 53,7 % en Suède, et 58,3 % en Suisse. Cette proportion insuffisante d'actifs se trouve aggravée par des durées de travail des personnels salariés bien plus courtes que dans les autres pays, tant pour ce qui est du travail hebdomadaire qu'annuel.

Dépenses sociales et pression fiscale

Les dépenses sociales n'ont pas cessé de gonfler les dépenses publiques et elles en sont venues à représenterun peu plus de 58 % de celles-ci. Pour boucler ses budgets l'Etat s'est trouvé contraint, chaque année, de s'endetter un peu plus, malgré l'accroissement régulier de ce que les économistes appellent les « prélèvements obligatoires », des prélèvements qui en sont arrivés à être maintenant les plus élevés de tous les pays européens.

Et les entreprises, malheureusement, ont été mises à contribution, bien plus qu'il n'aurait fallu, en sorte que notre secteur productif depuis des années a cessé d'être compétitif. Et ce phénomène a tout particulièrement affecté les entreprises industrielles qui ont à se battre sur le marché mondial.

Fin 2018, les 17 milliards d'euros lâchés par Emmanuel Macron aux « gilets jaunes » ont fait que la dette extérieure du pays a finalement dépassé le niveau du PIB. Les économistes, tout comme Bruxelles et le FMI, s'en inquiètent, bien que les taux d'intérêt soient particulièrement bas. Les intérêts de la dette publique constituent, il faut le noter, un poste supérieur au budget des Armées.

Tel est l'état dans lequel se trouve notre machine économique : la croissance est tirée par la consommation et celle-ci est alimentée par la dette extérieure. Si l'on renonce à accroître la dette on n'a plus de croissance, et si l'on veut qu'il y ait de la croissance il faut consentir à augmenter la dette du pays. Notre économie est au taquet.

Marges de manoeuvres réduites

L'Etat n'a plus aucune marge de manoeuvre et Emmanuel Macron s'est trouvé contraint, par conséquent, de changer de discours en ce qui concerne le déficit du budget de l'Etat qu'il avait promis de ramener à 0,3 % du PIB en fin de mandat. On l'a vu déclarer à l'hebdomadaire « The Economist » auquel il donnait en anglais une interview : « Le combat sur les 3 % est un combat du siècle passé »Et il a renoncé à supprimer 120.000 postes dans la fonction publique. Les dépenses publiques, constituées à prés de 60 % par des dépenses sociales, sont politiquement impossibles à réduire : elles sont, pour une très bonne part, les conséquences de l'amenuisement drastique de notre secteur industriel qui n'est plus qu'a la moitié de ce qu'il devrait être. On voit, partout, que plus les pays sont industrialisés moins leurs dépenses publique sociales sont importantes.

La France est aujourd'hui le pays qui, en Europe, est le plus désindustrialisé, la Grèce mise à part. Si le pays voulait se redresser il faudrait qu'il parvienne à remonter son secteur industriel à 17 % ou 18 % au moins du PIB, alors que l'on est tombé actuellement à 10 % : l'Allemagne en est à 24 % et la Suisse à 22 %. Il en résulterait une réduction, en valeur relative, des dépenses sociales : le budget de l'Etat reviendrait à l'équilibre, et la dette de la nation se réduirait. Les Français, selon un sondage effectué en août dernier pour BFM-TV, se disent à 64 % pessimistes sur l'avenir de notre société : i ls ont raison de l'être, mais encore faudrait-il qu'ils prennent conscience qu'il va leur falloir beaucoup en rabattre sur leurs exigences.

Claude Sicard est économiste, spécialiste de l'industrie.


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