Attention, danger : la France est sur une mauvaise pente !

Attention, danger : la France est sur une mauvaise pente !

On se souvient de la grave crise qu’a connue la Grèce en 2009. Son endettement était devenu considérable et l’agence de notation Fitch avait abaissé sa note en dessous de A : c’était la première fois qu’une telle dégradation survenait dans un pays européen. Il s’en suivit une panique en Europe. La Zone Euro fut jetée dans la tourmente et la « Troïka » FMI, BCE et Commission européenne dut intervenir, et par trois fois. On imposa à la Grèce des mesures drastiques au point qu’un gouvernement de gauche arriva au pouvoir, en 2015, le gouvernement Syriza qui voulut s’opposer à trop de meures d’austérité : le peuple ne les supportait plus.. Après six années de crise le PIB se trouva réduit d’un quart, et le taux de chômage monta jusqu’à 25 %. La Grèce se remit très difficilement de cette crise : il y eut plusieurs plans de sauvetage et le bilan social fut catastrophique..

Nous allons voir qu’il semblerait bien que la France se trouve, si l’on n’y prend garde, sur la même pente que celle qui conduisit la Grèce à la très grave crise que nous venons d’évoquer, une crise qui a duré de 2010 à 2015. Il avait même été envisagé que la Grèce sorte de l’ Europe et quitte la Zone Euro..La notation de l’agence Fitch classe, pour l’instant, la France en AA, et c’est tout à fait honorable, mais avec la mention « perspective négative ». Rappelons que dans la première catégorie il y a AAA, puis AA, et ensuite A : la France a tout simplement reculé d’un cran. Vient ensuite la catégorie des B, avec à nouveau trois degrés différents, et l’on en arrive, en dernier, à la catégorie des F.

 

Nous allons montrer pourquoi l’on peut craindre que notre pays se trouve engagé sur la pente grecque, une pente tout à fait dangereuse, en distinguant d’un coté les éléments qui ont un caractère causal, c'est-à-dire de nature à expliquer la dégradation de l’économie du pays, et, de l’autre, ceux qui en sont la conséquence, mais ne constituent pas moins des freins au redressement d‘une économie engagée sur une mauvaise pente. Et pour marquer les étapes de la dégradation de notre économie nous prendrons, comme points de repère, la Suisse, pays exemplaire qui a une économie très dynamique et parfaitement équilibrée, et la moyenne OCDE. Quant aux données statistiques, ce seront celles fournies par la Banque mondiale, pour l’année 2021, ceci afin d’avoir des séries homogènes..

 

1/ Les éléments à caractère causal

 

Nous retiendrons essentiellement les éléments suivants : les dépenses de Recherche- Développement en pourcentage des PIB, les taux d’industrialisation et de population active, le solde de la balance commerciale des pays, et la durée de la vie active des individus.

Les taux de R&D des pays

Des dépenses de Recherche- Développement importantes sont une caractéristique des pays développés qui investissent pour préparer leur avenir. Elles permettent de rester dans le peloton de tête en innovant.

Suisse 3,15 %

OCDE 2,96 %

France 2,35 %

Grèce 1,50 %

 

Le taux d’industrialisation :

L’industrie est un élément clé pour créer de la richesse dans les pays depuis la première révolution industrielle, et des trois secteurs de l’économie, à savoir l’ agriculture, l’industrie et les services ( selon la classification instaurée par Colin Clark) c’est celui où le progrès technique augmente le plus vite. Le secteur secondaire est un secteur à forte valeur ajoutée, et c’est lui qui fournit aux pays l’essentiel de leurs exportations. Dans le cas de la France et de la Grèce les taux d’industrialisation sont très faibles, ces deux pays étant les plus désindustrialisés de tous les pays européens.

Suisse 24,6 %

OCDE 22,3 %

France 16,7 %

Grèce 15,3 %

  1. :Y compris la construction

 

Le taux de population active

On entend par taux de population active la proportion entre les personnes dotées d’un emploi, plus les chômeurs, et la population totale.

(En % de la population)

Suisse 57,0 %

OCDE 49,2 %

France 46,1 %

Grèce 43,5 %

Le solde de la balance commerciale

Les exportations que réalise un pays présentent un double avantage : elles accroissent les marchés des entreprises locales et elles fournissent les devises qui vont permettre de payer les importations. Leur volume dépend de la nature et de la qualité de ce que produit un pays et du dynamisme de ses entreprises.

Suisse 119 %

UE 0 %

France - 1,9 %

Grèce -7,7 %

 

Durée de la vie active

La durée de la vie active dépend de l’âge d’entrée des individus dans la vie professionnelle et de l’âge auquel ils la quittent, selon l’âge légal de départ à la retraite.

Durée de la vie active

Suisse 42,6 ans

UE 35,6 ans

France 35,0 ans

Grèce 33,2 ans

 

On voit, sur tous les graphiques ci-dessus que notre pays se situe systématiquement à mi-chemin entre les moyennes OCDE et la Grèce. On aurait préféré qu’il se place à gauche, entre les moyennes OCDE et la Suisse.

 

2/ Les éléments induits, à caractère aggravant

 

Les dépenses publiques

On constate toujours dans les pays qui ont une économie qui fonctionne mal que les dépenses publiques sont importantes en regard du PIB. Les besoins de la population sont là, et il faut les satisfaire : éducation, santé, appareil judiciaire, entretien des infrastructures et création de nouvelles, sécurité, …. et les PIB n’étant pas à la hauteur de toutes ces exigences, le taux des dépenses publiques est élevé.

Suisse 20,1 %

OCDE 34,9 %

France 51,9 %

Grèce 58,5 %

 

Les prélèvements obligatoires

Pour couvrir ses dépenses l’État procède à ce que les économistes appellent des « prélèvements obligatoires », et ceux-ci sont de plus en plus importants à mesure que s’accroissent les dépenses publiques.

Suisse 28,5 %

OCDE 34,2 %

France 47,6 %

Grèce 42,3 %

La France, en matière de prélèvements obligatoires, se situe déjà au dessus du niveau de la Grèce.

 

Taux de chômage

Comme conséquence d’une économie qui fonctionne mal, on trouve évidemment une proportion élevée de la population au chômage, et la France est bien dans ce cas. Selon le taux BIT nous en sommes à 2.252.000 chômeurs, mais les catégories A,B et C de Pôle emploi totalisent un nombre de chômeurs bien plus élevé : 5.163.000 personnes, des chômeurs sensés être en recherche active d’ emploi. On est alors à un taux bien plus élevé que celui calculé à la façon BIT.

Taux de chômage (BIT)

Suisse 5,3 %

OCDE 6,3 %

France 8,1 %

Grèce 14,8 %

 

Endettement du pays

Dans des économies qui fonctionnent mal, où la création de richesse donc est insuffisante, les États s’endettent pour boucler leur budget , et le coût de la dette alourdit chaque année un peu plus les budgets annuels..

Suisse 20,9 %

OCDE 129,3 %

France 113,0 %

Grèce 197,1 %

 

3/ Le cas de la France.  Attention : danger !

 

Le problème est que lorsqu’un processus de détérioration de l’économie s’installe il s’entretient de lui même, et le pays entre dans un cycle pernicieux : c’est, précisément, ce qui se produit en France depuis une vingtaine d’années. Tous les ratios se dégradent, d’année en année. Les dépenses sociales ne cessent de croître régulièrement, d’où une augmentation constante des dépenses publiques, et pour y faire face un accroissement constant des prélèvements obligatoires ; et ceux-ci n’étant jamais suffisants, un recours régulier à de l’endettement, ce qui fait que celui-ci ne cesse d’augmenter. Les pouvoirs publics se trouvent incapables de rompre ce cercle vicieux, et on en arrive au point où ce processus a atteint ses propres limites. Les prélèvements obligatoires étant parvenus à des niveaux insupportables il n’y a plus d’autre solution pour les pouvoirs publics que d’augmenter davantage encore la dette. C’est ce qui se produit dans notre pays : on est passé de 2.380 milliards d’euros à la fin de 2019 à 2.916 milliards à la fin de 2022,soit un accroissement de la dette de 536 milliards en trois ans !.

 

Il faut comprendre quelle est l’origine du phénomène, ce que les pouvoirs publics ont été très longs à saisir dans notre pays, et encore n’est- on pas certain qu’ils aient véritablement pris conscience du cercle vicieux dans lequel ils se trouvent enfermés. L’origine du problème est la grave dégradation du secteur secondaire de notre économie, le secteur industriel. Les effectifs de l’industrie sont passés dans notre pays de 6,5 millions de personnes à la fin des Trente glorieuses à 2,7 millions aujourd’hui, et notre secteur industriel ne concourt plus que pour 10 % à la formation du PIB (chiffre hors construction), alors que ce taux devrait se situer à 18 % environ. Si l’on inclut la construction dans le secteur secondaire, il faut rajouter 5 à 6 points aux précédents ratios.

 

Les pouvoirs publics, dans notre pays, se sont laissés piéger par la thèse d’évolution des trois secteurs de l’économie développée par Jean Fourastié dans son livre « Le grand espoir du XXe siècle » paru en 1949.Cet économiste a travaillé sur des séries longues, et il a raisonné nécessairement en termes d’emplois, et non de valeur ajoutée. Les effectifs du secteur industriel se réduisent, certes, avec la modernisation d’une économie, mais en termes de valeur ajoutée le secteur industriel est toujours présent du fait que la valeur ajoutée par employé a fortement progressé. Cela a été mal compris, et très vite, dans les Université, on a enseigné qu’une économie moderne n’est plus constituée que par des activités relevant des services. Les sociologues qui ont mal compris Jean Fourastié ont diffusé très vite le slogan de « société postindustrielle », et cet aphorisme s’est installé solidement dans les esprits, jusque chez les dirigeants du pays..

 

Pour redresser la situation, il n’y a pas d’autre solution que de procéder au redressement de notre secteur industriel, mais l’environnement dans lequel nous nous trouvons n’y est guère favorable : il y a la guerre en Ukraine, le coût de l’énergie en Europe est devenu très élevé, et Joe Biden vient de lancer aux États-Unis l’Inflation Reduction Act (IRA), ce qui fait que les entreprises délaissent l’ Europe, pour se tourner vers le continent américain, ou bien l’ Asie. Thierry Breton, à Bruxelles, prépare une riposte. Les Américains ont prévu un budget de 369 milliards de dollars pour épauler leurs entreprises dans le cadre de l’IRA : il faudra, nous dit le Commissaire européen, faire de même, et il parle d’un plan à hauteur de 2,5% ou 3 % du PIB de l’Europe des 27.On n’en est pas là : les entreprises industrielles, pour l’instant, quittent l’ Europe et la France est particulièrement affectée par ce mouvement. On apprend que l’indien REC Solar qui devait fabriquer en Moselle des panneaux photovoltaïques renonce à son projet pour se tourner vers les États-Unis, le chinois Quechen qui devait installer une usine à Marseille pour produire de la silice pour les fabricants européens de pneumatiques jette l’éponge, et Safran qui devait créer un nouveau site de production prés de Lyon pour ses freins carbone destinés à l’aéronautique suspend son projet d’investissement. On n’est donc pas sur le point de voir notre secteur industriel se redresser, et le plan « France 2030 » lancé en octobre 2021 par Emmanuel Macron « pour répondre aux grands défis de notre temps » est un instrument complètement sous-dimensionné.

Il serait souhaitable de ne pas en arriver à une situation à la grecque. Beaucoup de personnes n’ont plus eu les moyens de se soigner, des hôpitaux ont dû arrêter momentanément leur activité, les cas d’infection au virus HIV ont augmenté de 50% ,et le paludisme est réapparu en Grèce. Le port du Pirée a été vendu aux Chinois, ainsi que celui de Thessalonique, et quatorze aéroports régionaux ont été cédés à un groupe allemand. Et selon une étude britannique , depuis le début de la crise le nombre des suicides a doublé.

Claude Sicard, économiste, consultant international.

Du même auteur :

" Pourquoi l'économie française est grippée "

" Réindustrialiser la France : un enjeu vital pour l'avenir du pays "

 

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