De combien la France doit-elle réduire ses dépenses publiques?

Un sujet d’une brûlante actualité : de combien la France doit- elle réduire ses dépenses publiques ? En 2017, les dépenses publiques, dans notre pays, se sont élevées à 1.291,9 milliards €. La France a un niveau de dépenses publiques extrêmement élevé : 56,4 % du PIB, un record, puisque la moyenne des pays de l’UE se situe à 47,0 %, et celle de la ZE à 48,0 %.L’Allemagne en est à 43,6 %, et les Etats Unis à 37,0 % seulement. Cela a pour conséquence d’obliger l’Etat à exercer sur l’Economie du pays une pression fiscale extrêmement forte, en sorte que notre pays est devenu champion en Europe des prélèvements obligatoires, devançant le Danemark qui était jusqu’ici devant nous. Les rentrées fiscales ne suffisant pas, l’Etat recourt, chaque année, à l’endettement pour boucler son budget : il s’est agi de 72,3 milliards€ en 2016, et de 69,3 milliards€ en2017. L’Institut COE-Rexecode vient de publier une étude qui compare les dépenses publiques en France et en Allemagne : 280 milliards € d’écart ! Il s’agit des dépenses de l’Etat, de celles des collectivités locales, et des dépenses sociales. Elles ne cessent de progresser dans notre pays alors que d’autres sont parvenus à les maîtriser, voire même à les réduire. C’est le cas de la Suède, que l’on donne souvent en exemple, qui est parvenue à les ramener à 50 % du PIB, alors qu’elles se situaient à un peu plus de 60 % au début des années 1990. Au Canada, elles sont tombées à 40 % du PIB. La France ne parvient pas à les contenir, les dépenses sociales, qui constituent le principal poste, croissant beaucoup trop rapidement : de 14,3 % du PIB en 1959, elles sont passées à 31,5 % à présent (chiffres de l’OCDE).Dans les autres pays européens les dépenses sociales sont beaucoup moins élevées : 23 % aux Pays Bas, par exemple, et 24 % en Allemagne. Depuis des années, tous les observateurs de la vie économique tirent la sonnette d’alarme. Michel Pébereau, l’ancien président de la BNP, a remis au gouvernement en février 2017 un rapport intitulé « Dépenses publiques : l’état d’’alerte », fruit d’un travail de l’Institut de l’Entreprise dont il est président d’honneur. Ce rapport rappelle que le budget de l’Etat est en déficit régulièrement depuis 1974, et il dénonce comme une anomalie grave le fait que la France soit, en matière de dépenses publiques, à 8,5 points de PIB au dessus de la moyenne des pays de la zone euro. Il propose donc de les ramener à 50 % du PIB : il s’agirait par conséquent de faire quelque 180 milliards € d’économies. Au cours de la toute récente campagne présidentielle, François Fillon avait parlé de 100 milliards € d’économies à réaliser au cours de son quinquennat, et Emmanuel Macron, plus prudent, de seulement 60 milliards, en indiquant qu’il s’agirait de 25 milliards sur la sphère sociale, et de 15 sur les collectivités locales. François Hollande, en s’en souvient, avait évoqué, lui, le chiffre de 50 milliards €. Notre Président, qui en est à sa seconde année d’exercice du pouvoir, va donc s’attaquer à présent à ce très difficile chantier, et l’on sait que les obstacles politiques qu’il va devoir surmonter sont considérables. Une vidéo récente l’a montré très déterminé : il a déclaré péremptoirement, en réunion de travail à l’Elysée, que les aides sociales « coûtent un pognon dingue !». C’est exact, comme nous l’avons montré plus haut, mais cette déclaration maladroite a aussitôt soulevé l’indignation. On ne sait pas encore ce qu’il va effectivement décider que déjà les esprits s’agitent. On attend d’ailleurs toujours la diffusion du rapport du Comité action publique 2022 (CAP22), un rapport commandé en octobre 2017, pour lequel ont été mobilisés pas moins de 34 experts de haut niveau. Les Français sont très favorables à une réduction des dépenses publiques, à 80 % comme l’a montré un sondage récent de Elabe-Les Echos. Mais chacun entend que les économies portent plutôt sur des chapitres de dépenses qui ne le concernent pas. La question qui se pose, à présent que notre Président se trouve au pied du mur, est de savoir comment déterminer correctement le montant des économies à réaliser. Les chiffres avancés par les uns et les autres résultent d’estimations à la hache. Effectivement, Il n’y a pas en la matière d’autre méthode que de procéder à des comparaisons internationales, en considérant que la moyenne des pratiques des différents pays constitue une norme acceptable. Mais encore faut-il faire avec soin les comparaisons. Pour l’instant, la seule manière de procéder a consisté à rapporter les dépenses publiques des pays à leur PIB. On constate alors que l’on a affaire, en Europe, à des taux qui sont de l’ordre de 40 à 50 %: Royaume Uni 43 %, Allemagne 43,6 %, Pays Bas 44 %, Italie 49 %, etc…Mais les pays du Nord de l’Europe sont à des niveaux plus élevés : Norvège 51 %, Finlande 54 %, Danemark 55 %. La moyenne de l’UE est à 47 %. Hors d’Europe, les taux sont bien plus faibles : Turquie 23 %, Chili 26 %, Brésil 39 %, etc… Il ressort, donc, clairement, que le taux des dépenses publiques varie beaucoup avec le niveau de richesse des pays, ce qui est bien compréhensible. Il paraît donc judicieux de tenir compte de ce paramètre, ce qui est possible avec une approche économétrique simple consistant à relier les dépenses publiques par habitant des Etats aux PIB/tête des pays concernés, cet indicateur de richesse étant pris comme variable explicative. Corrélation Dépenses Publiques les Echos Cette corrélation est excellente, et sur le graphique qui illustre ce phénomène, on constate que la quasi-totalité des pays sont bien alignés. Mais deux pays font exception : la France, tout d’abord, qui figure très au dessus de la droite des moindres carrés, et les Etats-Unis, ensuite, qui, à l’inverse, sont très en dessous. On en est, en France, à des dépenses publiques par habitant de 20.805 dollars, pour un PIB/tête de36.857 dollars, alors que l’Allemagne en est à 18.630 dollars pour un PIB/tète de 42.161 dollars, et les Pays Bas à 20.117 dollars pour un PIB/tête de 45.637 dollars. Le Portugal, l’Espagne, l’Italie, et, plus haut, la Suède, voire même la Norvège, sont exactement aux niveaux qui correspondent à leur taux de richesse. La France fait exception, ainsi que les Etats Unis : la France, beaucoup trop dépensière, les Etats-Unis, au contraire, particulièrement économes des deniers publics. Notre pays compte tenu du niveau de PIB/tête qui est le sien devrait en être à 16.800 dollars de dépenses par tête : il se situe donc à environ 19 % au dessus de la norme fournie par ce modèle. Cela signifie que le montant des économies à viser s’évalue à 245 milliards €, un chiffre tout à fait considérable, bien plus élevé que ce qu’indiquait l’étude de l’Institut de l’ entreprise . Le projet de 60 milliards € d’économies de notre Président est donc extrêmement modeste, très éloigné de ce qu’il conviendrait de faire si l’on voulait aligner notre pays sur ce qui se pratique dans les autres pays, ceci compte tenu des niveaux de richesses des uns et des autres. La distorsion énorme constatée est le fruit de ce que l’on a coutume d’appeler « le modèle social français ». Un modèle qui coûte extrêmement cher à la collectivité. Avec des dépenses publiques qui seraient corrigées comme il conviendrait de le faire notre pays se situerait à un taux de 47 % du PIB . C’est précisément la moyenne des pays de l’UE. Les Français n’ont aucune conscience de ces réalités, et notre Président, avec un projet d’économies tout à fait modeste, ne va pas manquer de faire l’objet de toutes les critiques et de dresser une grande partie de l’opinion publique contre lui. Il va donc falloir que les services de communication du gouvernement s’activent vivement pour expliquer de qu’il en est. Claude Sicard Economiste, consultant international



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